C’est un exercice très particulier auquel s’est livré un professeur de droit international public dans la presse de La Réunion. Certes, les médias réunionnais sont toujours prompts à abîmer l’image de Mayotte et à flatter un lectorat local qui ne nous regarde que rarement d’un œil très favorable. Mais cette semaine, le Journal de l’île est allé un peu plus loin que d’habitude, en imaginant comment faire concrètement pour que Mayotte ne soit plus française. On découvre ainsi que le processus serait bien compliqué.
André Oraison signe donc une réflexion intitulée «la restitution de Mayotte à l’Union des Comores, une solution impossible au plan juridique sans l’accord des Mahorais».
Parlant d’une «situation catastrophique qui s’aggrave» chez nous «année après année», ce professeur a trouvé le responsable: il s’agit du «seul gouvernement de Paris qui a agi au mépris du droit international de la décolonisation», depuis qu’il a modifié les frontières comoriennes lors de la séparation de Mayotte du reste de l’archipel.
Pour autant, la situation aurait-elle été moins «catastrophique» si l’Histoire avait été différente? André Oraison se garde bien de réfléchir à la question.
Le droit international et la réalité française
Le professeur se demande «comment sanctionner la violation par la France du droit international?» En termes de droit, les résultats du référendum du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores doivent «être considérés sur une base globale et non île par île» selon le droit de l’ONU. Conséquence: «La solution juridique logique consiste en une restitution de l’île de Mayotte à l’Union des Comores sans mise en œuvre du droit d’autodétermination, c’est-à-dire sans une nouvelle consultation de la communauté mahoraise.» Autrement dit, du jour au lendemain, Mayotte intègre «l’ensemble comorien».
Mais en réalité, le professeur note que cette solution «visant à une intégration forcée des Français de Mayotte dans l’État comorien indépendant est une vue de l’esprit». Outre le fait que le droit onusien et les votes de l’Assemblée générale de l’ONU ne sont que des recommandations et n’ont aucun caractère obligatoire et contraignant, ce changement de pays forcé «est impossible au regard du droit constitutionnel français», explique le professeur.
Les populations doivent être consultées
Pour que le gouvernement et le président de la République française cèdent une partie du territoire national, ils doivent se plier à «une procédure rigoureuse qui est prévue par l’article 53 de sa Constitution».
Après des négociations diplomatiques, «généralement longues, minutieuses et complexes», le parlement doit ratifier une loi de cession, d’échange ou d’adjonction de territoire.
«De surcroît, une condition supplémentaire majeure et préalable à l’intervention même du Pouvoir législatif, a été prévue par la Constitution, dans l’hypothèse où le territoire français faisant l’objet d’une cession territoriale est habité, ce qui est le cas pour Mayotte», explique André Oraison : les populations locales doivent être consultées par un «référendum local», une sorte de «droit permanent à l’autodétermination et au refus de la sécession», précise-t-il.
Et nous sommes évidemment concernés car depuis le 28 mars 2003, la Constitution française comporte le nom de toutes les collectivités territoriales françaises ultramarines, y compris celui de Mayotte.
Le consentement obligatoire
Sachez enfin, qu’une ultime disposition législative permet aux Mahorais d’avoir la certitude que personne d’autres qu’eux-mêmes ne décidera de leur destin. Une loi de 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte dit dans son article 4: «Il (le Département de Mayotte) fait partie de la République et ne peut cesser d’y appartenir sans le consentement de sa population».
«La situation est-elle pour autant à jamais figée? Rien n’est moins sûr», indique le professeur. «D’autres solutions d’ordre économique et institutionnel sont concevables pour faire cesser les ‘drames de la mer’ qui résultent d’une immigration clandestine massive et tenter de rapprocher les stratégies aujourd’hui radicalement divergentes de la France et des Comores au sujet de Mayotte», écrit André Oraison… Mais il se garde bien d’expliquer lesquelles. On attend avec impatience sa prochaine tribune.
RR
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