L’événement devait se dérouler toute la journée mais qui il a pris du temps à s’organiser et à débuter. Cependant, certaines personnes étaient à l’heure, notamment pour l’exposition du savoir-faire. Fatima est l’une d’entre elles.
Cette brodeuse est membre de l’association «wayili wa vendzanawo» (Deux êtres qui s’aiment), un doux nom, tout en image, pour expliquer ce qu’elles font. Fatima et ses camarades se sont regroupées en association pour gagner leur vie à travers l’artisanat mahorais. Un bel exemple entrepreneuriat au féminin, pour ces mères de familles, qui n’ont pour la plupart jamais mis un pied à l’école.
Elles perpétuent le savoir-faire mahorais en réalisant des repas anciens, des broderies, du msindzano, etc. Preuve de l’évolution de la société, autrefois, les mères et les filles faisaient leurs broderies, en prévision du mariage de la fille. Il fallait que le jour du mariage, elle est son linge de maison au complet. C’était un temps, ou il n’y avait pas de linges de maison industriels, venant des pays asiatiques.
Aujourd’hui, les femmes actives n’ont plus ce temps mais la broderie mahoraise, en nappes, draps ou rideaux est toujours si prisée pourtant. C’est ainsi, que sont apparues les brodeuses professionnelles, pour un marché en pleine expansion. Car la broderie mahoraise était un temps concurrencée par la broderie malgache, moins chère, mais, Fatima et son association ont trouvé le crédo: «fait à Mayotte, par des Mahoraises». Une particularité très recherchée par les étudiants en ces temps de vacances et par les personnes qui quittent l’île après un séjour.
«La broderie m’a permis de vivre mieux»
Assise, sur son stand, ses œuvres, fièrement exposées, virevoltent au gré du vent. Fatima, a toujours une broderie en cours de confection entre les mains. Sa spécialité, c’est le «pétadamba». De couleur -très souvent vive- le pétadamba, est une broderie qui consiste à coudre un tissu de couleur, sur un tissu blanc.
Par la suite, un dessin de fleur, de fruit ou d’animal est réalisé sur le tissu de couleur. C’est la partie facile. Enfin, la brodeuse va passer des heures à suivre le dessin avec une aiguille et un fil. Les couleurs sont choisies selon les goûts clientes ou de la brodeuse. Ces linges de maison sont très prisés notamment pour les mariages. Les commandes ne manquent pas pour Fatima, qui vend «un drap deux places à 60 euros, et un complet chambre à coucher dans les cent-vingt euros». Elles font aussi du pétakufé ou du récélé, deux autres types de broderie.
Une activité qu’elle n’avait pas choisi
Fatima n’avait pas prévu de faire de la broderie son travail, raconte-t-elle, mais «c’est par la force des choses», dit-elle, tout en continuant à percer le tissu avec son aiguille. Le geste est naturel et précis, elle confie un bout de sa vie. «C’est en 2001, que j’ai commencé à faire une formation en petite-terre pour faire de la broderie».
Avec un sourire qui ne la quitte jamais, elle se remémore cette époque où elle n’avait pas d’argent. «Je n’avais pas de travail», raconte celle qui est maman de trois enfants, des enfants, qu’il a fallu élever. «Au début de la formation, je me disais que je n’y arriverai pas, ni à coudre et broder toute la journée». Mais elle a vite changer d’avis. «J’ai mis une semaine à faire une nappe qui a été vendu 90 euros. Quand j’ai eu l’argent, j’ai compris que ce travail allait me permettre de vivre mieux. Je ne veux plus m’arrêter».
Une activité diversifiée
Et effectivement, elle ne s’arrête pas, elle a même diversifié ses activités. «Je fais du massage traditionnel, 20 euros les trente minutes. J’ai tellement de clientes que parfois je ne peux pas assurer. Je suis fatiguée». Elle vend des salouvas déjà cousues, elle vend aussi des ustensiles de cuisine en bois. Et elle précise: «C’est fabriqué à Mayotte, à Kani-bé». Et toujours dans l’esprit de l’association «Deux êtres qui s’aiment», elle propose du hangué (tour de hanche en perles) aux femmes qui passent. Caché, loin des regards, cet objet de tous les fantasmes, promettent des nuits inoubliables aux couples.
Visiblement, la formation de brodeuse-vendeuse a porté ces fruits car les souvenirs de Mayotte se vendent très chers. «Entre 40 et 60 euros», une petite broderie avec un «maki» dessus et le prix monte s’il y a écrit Mayotte dessus ou s’il y a la carte.
Les étudiants, en vacances, en sont friands. «Ils veulent des souvenirs avec Mayotte dessus». Fatima reste discrète sur ces revenues mensuels, mais raconte volontiers tout ce qu’elle a pu faire avec ce travail. «J’ai ma maison, pas très grande, mais avec tous le confort et là, j’envisage de faire des aménagements. Vous savez, je peux partir en vacances quand je veux. J’ai payé un billet d’avion à ma fille pour qu’elle aille en France, tout ça c’est grâce à ce travail. Aujourd’hui, dès que je me lève, je me mets à broder. Je ne peux pas laisser ça».
K.A.
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