Le festival off d’Avignon a découvert la réalité mahoraise à travers Ari Art

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Soumette et Dalfine Ari Art, "Les dits du bout de l'île"
La pièce s'affichait en juillet à Avignon
La pièce s’affichait en juillet à Avignon

Tremplin pour les compagnies qui y font leurs armes, le Festival off d’Avignon a découvert l’expression de Nassuf Djaïlani qui traduit à travers son ouvrage « De l’île qui marche vers l’archipel qui ploie », les souffrances dans la transformation d’une population mahoraise devenue département  français en 2011. El-Madjid Saindou, qui dirige Ariart, la seule compagnie de théâtre professionnelle de l’île, en a tiré la pièce « Les Dits du bout de l’île », proposée donc à Avignon.

Une mise en scène volontairement minimaliste, mais il nous a déjà habitué à ne pas rester dans le convenu pour explorer une expression qui colle à l’ambition du discours. Les festivaliers avignonnais ont ainsi pu découvrir la tradition à travers le dzendze, mais aussi le poète qui redécouvre son île quelques années après l’avoir quittée. La pièce met en balance de manière originale la tradition culturelle et l’accélération vers le XXIème siècle que vit ce territoire de l’océan Indien. « Ces excroissances mal ajustées qui provoquent des embrouillaminis dans ma tête », évoque le personnage principal.

Pas de discours convenu, mais une interrogation qui implique des pauses dans l’évolution, faute de s’y perdre. Un calque transposable un peu partout.

La culture et le politique à Mayotte

El Madjid Saindou travaille avec un groupe d'étudiants de Dembéni très motivé
El Madjid Saindou lors d’une séance de travail avec des étudiants de Dembéni

 

La critique a donc salué une première avant tout. Celle d’une expression artistique mahoraise qui a du mal à se formuler sur le territoire, et à en sortir, lorsqu’elle existe. « A Mayotte, il y a un public, mais la culture n’est pas une préoccupation de la classe politique », se plaint Nassuf Djaïlani dans les colonnes du journal la Croix.

Vaucluse Matin rappelle que c’est un retour aux sources pour El Madjid tout comme pour les comédiens Dalfine Ahamadi et Soumette Ahmed, sortis tous les trois du conservatoire d’Avignon. Leur travail a été repéré par Greg Germain, le directeur de la Chapelle du Verbe Incarné à Avignon, et président de l’agence de promotion et de diffusion de la culture outre-mer, et Ariart avait reçu le soutien financier de la direction des affaires culturelles de la préfecture de Mayotte.

Honte à ceux qui l’ignoreraient

Nassuf Djaïlani, l'auteur
Nassuf Djaïlani, l’auteur

Un extrait de « Théâtre du blog » du 9 juillet est élogieux. Evoquant la bascule du 101ème département, par une citation, « Nous avons goûté à cette drogue de l’assistanat qui nous a rendu chèvre », l’article évoque le jeu de scène : « une langue magnifique, avec à la fois, élégance, chaleur et une diction parfaite. Et avec aussi une gestuelle étonnante. Quel choc et quel bonheur… (…) Honte aux grands théâtres parisiens et provinciaux s’ils n’accueillent pas ce spectacle la saison prochaine. »

Un bémol toutefois lorsqu’on lit « Mondesfrancophones.com », qui n’encense pas la pièce mais ne la descend pas non plus. Il rappelle que s’il y a colonisation, c’est « une servitude volontaire », « les Mahorais ayant voté à plusieurs reprises pour rester français et refuser l’indépendance, une alternative jamais proposée en ces termes aux habitants des autres territoires français d’outre-mer. »

« Mayotte, exclue des cartographies mentales »Africultures

L’auteur de l’article parle d’un « théâtre minimaliste qui hésite entre la parole poétique, le documentaire et le pamphlet poétique. » Sans doute réunit-il les trois à la fois. « On reste sur sa faim de théâtre », poursuit le critique, qui invite la compagnie Ariart « à se tourner vers une forme plus dramatique pour traiter les problèmes identitaires qui la travaillent. »

Plus que le court billet positif publié par la Provence, « une poésie engagée qui prend par le bout du cœur jusqu’au bout les spectateurs », c’est Africultures qui pourrait être le pendant de Mondesfrancophones, en se réjouissant que la pièce ait évité le pire, « l’occupation mimétique d’une scène inféodée au cri postcolonial des ultramarins (…) plus personne n’écoute. » Tout en soulignant le bel unisson de la pièce, l’article en demande plus, précisément parce que les problématiques de Mayotte sont méconnues, « exclue des cartographies mentales », et pousse déjà auteur, metteur en scène et acteurs à aller plus loin.

Plus loin tout en se nourrissant du bout de l’île…

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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