Saisi par le préfet pour vote d’un budget déséquilibré du département, pour la énième fois, la Chambre régionale des Comptes a adressé les 13 juillet (Lire Premier avis budget département Mayotte) et 17 août (Lire Deuxième avis budget primitif 2016 Mayotte), deux recommandations au conseil départemental sur sa masse salariale. L’enjoignant d’en diminuer les charges de 113 millions d’euros à 104 millions d’euros. Par deux biais : contenir la masse salariale et geler la majoration de traitement des agents au niveau actuel, soit à 30% d’indexation. S’en dégagerait un excédent de recettes de 4,4 millions d’euros, qui réduirait d’autant le déficit de la section d’investissement.
Elle indique également comment résorber entièrement l’éternel déficit du budget annexe du service des Transports maritimes, par lequel le conseil départemental persiste à faire du social pour tous.
Les magistrats de la Chambre rappellent que la Cour des Comptes elle-même avait, dans son rapport public sur la départementalisation, recommandé au département de « fixer un objectif de réduction de la part des dépenses de personnel en pourcentage des charges de fonctionnement. »
Déficit prévu de 18,97 millions d’euros
Les agents, souvent recrutés lors d’échéances électorales, deviennent ensuite de véritables gouffres financiers pour les collectivités, quand ils ne sont pas également un poids par leur inefficacité.
Constatant que ses préconisations du 13 juillet n’ont pas été suivies d’effets par le conseil départemental lors de sa délibération du 28 juillet, qui maintient les crédits pour son personnel à 113 millions d’euros, la Chambre propose au préfet de Mayotte de régler le budget du département. Le déficit prévisionnel est de 18,97 millions d’euros pour 2016.
Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental, parle d’une « divergence majeure avec la Chambre régionale des Comptes », et explique sa position au JDM. Elle repose sur deux points : l’anticipation de l’engament du premier ministre de rattraper une dotation globale de fonctionnement allouée à Mayotte, et la crainte d’un mouvement social des agents en cas de gel de l’indexation.
Double contrôle du budget
« Le calendrier de l’indexation est un document contractuel signé par le président de la République. Tout comme l’intégration des agents, cette surrémunération des fonctionnaires est devenu un acquis social. Pour une économie de 4 millions d’euros, nous risquerions un conflit social majeur ! », souligne-t-il. Certains agents étaient pourtant déjà sur-rémunérés avant la mise en place du calendrier de l’indexation, comme l’avait souligné le précédent président du département Daniel Zaïdani, « mais depuis, j’ai été obligé d’intégrer 300 agents », poursuit Soibahadine Ramadani. Il aurait fallu faire du cas par cas.
Le président fait remarquer que le budget du conseil départemental de Mayotte fait l’objet d’un double contrôle puisque, outre la Chambre, la Cour des Comptes l’examine en ce moment même. « Je suis intéressé par les deux avis, car la Cour examine aussi la responsabilité de l’Etat. »
Pas de gaspillage des dotations
Le premier ministre Manuel Valls avait en effet reconnu quelques injustices, notamment dans la Dotation globale de fonctionnement, et avait, parmi 10 engagements signés le 26 avril de cette année, promis l’effacement de la dette, et plusieurs compensations, notamment sur le manque à gagner lié à la transition fiscale ou sur l’aide sociale à l’enfance. Depuis, peu de choses ont avancé, « j’étais d’ailleurs inquiet en juin, mais George Pau-Langevin s’est voulu rassurante », et nous nous étions fait l’écho du conseiller du département Philippe Mikonoff sur « le silence scandaleux de Bercy ».
« Nous y travaillons », leur avaient en substance répondu les fonctionnaires.
La Chambre a anticipé ces arguments en mettant en garde : « Si le département venait à bénéficier d’une revalorisation de sa dotation globale de fonctionnement ou de l’attribution de nouvelles dotations, celles-ci seraient destinées à assurer mieux ses missions d’intérêts départemental et régional ».
« Nous faisons le point sur le calendrier de compensation ces jours ci avec le préfet », indique Soibahadine Ramadani. Rappelons que les échéances électorales approchent en France, et que les charges augmentent à Mayotte, « le montant total du RSA qui doit être compensé, doit passer de 21 millions à 30 millions d’euros selon nos estimations. »
Des engagements ministériel qui appelait une contrepartie : « Nous avons pris les engagements de limiter les recrutements au strict nécessaire. C’est le cas des brevets des marins du STM pour lequel nous devons recruter sous peine de perdre l’agrément. »
Un Comité de suivi des engagements du premier ministre doit donc toujours être mis en place, ainsi qu’un examen du toilettage institutionnel.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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