On aperçoit le nuage de poussière ocre de loin : impossible de suivre la noria de camions qui aménagent la piste à Mavingoni, c’est un brouillard de terre qui les suit. Juste après le lycée de Tsararano, le chemin de terre en cours d’aménagement serpente ensuite sur 4,5km.
Il va pouvoir permettre à plus d’une centaine d’agriculteurs de transporter leurs marchandises en étant véhiculé, et de se rendre plus rapidement sur leurs terrains. Pour peut-être un jour s’installer sur leur exploitation, une fois qu’ils auront levé une quantité de freins. L’adduction d’eau et le raccordement électrique en sont deux : « Il faut auparavant qu’ils détiennent un titre de propriété », avertit Daoud Madjinda, Responsable du service des travaux agricoles et ruraux.
Le conseil départemental préfinance l’intégralité
Le foncier en est donc un autre, « les terrains desservis par la piste, et sur certaines portions de la piste elle-même, appartiennent en grande majorité à des particuliers, très peu au département. Certains doivent même payer des impôts fonciers dessus. » Mais aucune régularisation n’a été effectuée.
Le conseil départemental a entrepris de réhabiliter les pistes depuis 2009, « celle-ci est la 8ème », glisse Daoud Madjinda. Elle représente un investissement de 1,3 million d’euros, financé à 75% par le FEADER*, 15% par l’Etat et 10% par le Conseil départemental. Et qui dit fonds européens, signifie préfinancement, « nous finançons donc pour l’instant l’intégralité du programme », souligne Issa Issa Abdou, 4ème Vice-président qui se trouve là sur son canton de Dembéni.
« Pour un arbre abattu, 5 doivent être replantés »
Ce mardi à 9h, une grosse réunion de chantier réunissait tous les intervenants, un mois après le lancement. Quatre entreprises sont missionnées : Tétrama, pour la grosse partie de terrassement, « avec un revêtement de goudron, mais aussi de béton sur les zones marécageuses », Mayotte route environnement (IBS) pour le béton, MAMI travaux, pour l’aménagement des fossés, et Amitaf, pour les plantations.
Car c’est désormais une obligation du code de l’environnement, « de fournir une compensation liée à l’étude d’impact. Pour un arbre abattu, il faut en replanter 5. » Dommage que le même code n’impose pas à Mayotte une surtaxe ‘coupeurs de route’… Dix arbres plantés pour un abattu ?…
Plus sérieusement, ce sont également 3 hectares de padzas qui seront reboisés, « doublé de l’inventaire de la faune de la rivière et du suivi avifaune qui recensera la population animale et l’impact de la piste », poursuit Daoud Madjinda.
L’entretien, toujours un problème
La piste devrait être terminée fin novembre, juste avant la saison des pluies. L’érosion pluviale est d’ailleurs prise en compte, « c’est la principale cause de destruction de nos routes », souligne Tétrama. Et l’Europe veille : « Elle impose des garanties. La garanties de parfait achèvement, tout d’abord, qui engage l’entreprise à reprendre toute anomalie dans l’année suivant la fin des travaux, et une garantie d’un an supplémentaires qui nous amène jusqu’à décembre 2018 ».
Ensuite, l’Europe impose un entretien régulier, « qu’ils viennent régulièrement contrôler pendant 5 ans, et pour tout manquement, le conseil départemental devra rembourser les subventions. » Au delà de cette période, le département devra mettre en place son propre contrôle pour apprendre à pérenniser ses ouvrages. « C’est facile d’obtenir des investissements mais pas les financements de la ligne 11, qui correspond à l’entretien », se confie Daoud Madjinda à Issa Issa Abdou. Et pourtant, c’est un investissement dans l’existant.
14 millions d’euros d’ici 2020
La piste serpente à travers la forêt, et passe devant l’exploitation de Sidi Inoussa : « Depuis 27 ans, je cultive des avocats, des mangues, des fruits à pain, des mangues et des litchis. » Une piste qui va faciliter le passage de sa brouette au lieu des nids de poule qui le freinaient, « j’aimerais m’installer à côté de mon terrain. »
Une piste qui s’arrête au domaine forestier et qui devrait avoir des petites sœurs, « nous avons déjà aménagé Bouyoni-Soulou, sur un fonds européen d’ensemble de 14 millions d’euros, à consommer d’ici 2020 », nous explique le cadre du département, « toutes les études sont faites pour pouvoir programmer l’ensemble des investissements ».
La culture des fonds européens entre par la grande piste au conseil départemental.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* FEADER : Fonds européen agricole pour le développement rural