Le constat fait lors du bilan énergétique 2011 est le même aujourd’hui : notre consommation d’énergie fossile se fait à 58% dans les transports, et à 38% par la production d’électricité. Et l’indépendance énergétique n’est pas pour demain si l’on considère que 95% de l’électricité est produite au diésel, contre seulement 5% par du photovoltaïque.
« Les deux variables sur lesquelles on doit agir sont donc le transport et la production d’électricité », conclut Saindou Abissi, Représentant de l’Espace Info Energie, mise en place par EDM et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie).
Justement, du côté des transports, c’est l’inertie totale. Tout se passe comme si la fatalité s’abattait matin et soir sur les automobilistes, forcés à l’immobilisme pour entrer et sortir de Mamoudzou : « 20 ans de constat d’une dégradation de la situation, 20 ans d’études dans tous les sens, et 20 ans plus tard, rien n’est fait », constate Mohamed Hanissi, Chef de projet aménagement urbain à la mairie de Mamoudzou.
Un réseau sous-dimensionné
Et les voitures vont droit dans le mur : « Notre réseau est déjà saturé sur un territoire faiblement motorisé, puisque seulement 26% des ménages ont un véhicules, contre 71% à La Réunion. » Or, le niveau de vie et la démographie suivant une pente ascendante, l’achat de véhicules ne peut que progresser : 10% par an pour les véhicules particuliers, et 6% pour les deux-roues, « le transport est le 3ème poste de consommation. »
Ce trafic, c’est essentiellement Mamoudzou qui le récupère, puisque la moitié des emplois de l’île y sont concentrés : « Chaque jour, 9.400 personnes viennent pour y travailler, et 80% des 18.000 containers atterrissent dans la zone industrielle de Kawéni. » Si le trafic de poids-lourds ne représente que 5 à 10% du trafic routier, le réseau n’est pas adapté, « impossible de les doubler par exemple. »
Le réseau de 90km de routes nationales et de 143km de départementales a été dimensionné pour 1.000 véhicules par heure, « nous en sommes à 2.000. »
« L’infarctus de l’autocarde »
Une contagion qui fait craindre à un automobiliste un « infarctus de l’autocarde », et qui incite Mohamed Hanissi à parler de laisser-aller des acteurs politiques.
En l’absence de projet costaud d’extension du réseau routier, « on nous vendait le contournement de Mamoudzou à 500.000 euros, quand il atteint en réalité 5 millions d’euros le kilomètre », des solutions alternatives sont proposées dans un plan de transports collectifs du Grand Mamoudzou, porté par l’intercommunalité Mamoudzou-Dembéni.
Il tourne autour de 5 kilomètres de réseau de bus, allant de Majicavo au nord, à Tsoundzou au sud : « Ils circuleront sur des voies réservées, et des parkings de 100 places extensibles seront conçus aux départs des lignes », détaille le chef de projet. Pour être opérationnels, la fréquence des bus devra être élevée.
Parkings en enclos et zones bleues
Le budget est de 100 millions d’euros, « dont 9 millions d’euros débloqués par le ministère des transports, qui a précisé qu’il s’agissait du 2ème dossier le mieux noté de France. » On est loin des critiques des dossiers européens. Mohamed Hanissi appelle les décideurs à se mobiliser sur le financement de ce projet, « ce n’est rien en comparaison des 400.000 euros de la Martinique, ou des milliards de la route littorale à La Réunion. »
Le Plan transport comprend également l’organisation des stationnements, certains seront payants, à Mamoudzou, avec des zones bleues, des parkings en enclos, des facilitations de stationnement handicapé, des arrêts taxis et la réglementation des livraisons avec des horaires bien précis. Des détails sur ce dernier point seront donnés aux professionnels, et diffusé au grand public lors d’une présentation plus formelle du projet dans un mois ou deux.
Il s’agit donc de modifier nos modes de transports. D’autres pistes sont proposées : le vélo, « sous condition d’aménager des pistes cyclables et des douches et vestiaires dans les entreprises », le covoiturage, qui se professionnalise avec le site mis en place par l’ADEME, et qui appellerait même des organisation intra et inter entreprises « avec une mutualisation des investissements, les barges, « un projet se penche sur la desserte entre Koungou et Bandrélé, mais sous maîtrise d’ouvrage du département ».
Les automobilistes font pour l’instant preuve d’une sérénité étonnante à l’heure des bouchons matinaux, « alors que n’oublions pas que la mobilité, c’est un droit », rappelle Mohamed Hanissi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte