C’est entourée de tout un groupe de femmes du village que la prévenue s’est assise dans la salle d’audience. Elles avaient du quitter la salle lors de la première audience, après avoir manifesté bruyamment leur désaccord contre en renvoi. Cette fois, le président Sabatier a (presque) obtenu le silence.
Il faut remonter à ces journées de fin septembre 2015, lorsque Assani Zalifa, connue pour son engagement dans sa commune de Chiconi, notamment en tant que mama vigilante, décide de bloquer, en compagnie de plusieurs autres femmes, la vente d’un débit de boisson, « les mineurs en consomment et ne savent plus ce qu’ils font », nous avait-elle déclaré.
Le commerce visé est celui d’une malgache qui, à l’issue de ces journées, décide de déposer plainte, notamment pour injures racistes. Un policier témoignera avoir entendu les manifestantes crier : « Elle n’est pas chez elle, si elle veut vendre de l’alcool, qu’elle aille à Madagascar ! »
L’avocat plaide la défaillance de l’Etat
La prévenue nie les propos, et fera dire par la bouche de son avocat Mansour Kamardine, qu’elle ne peut pas être raciste, étant elle-même d’origine malgache.
Elle plaide la défense de la tranquillité publique, comme le soulignera Me Kamardine : « Les parents refusent que leurs enfants puissent acheter de l’alcool ou d’autre produits stupéfiants. Aussi longtemps que l’Etat sera défaillant sur la sécurité des Mahoraises et de leurs enfants, les Mahorais se défendront eux-mêmes. Dans ce cas d’espèce, l’Etat est défaillant, la population de Chiconi défend donc ses enfants qui sont en danger. »
Le commerce serait à proximité d’une école, attaque-t-il, pas à côté, rétorque la partie civile qui avance toutes les licences et autorisations de vente des boissons alcoolisées.
Publicité de la condamnation
Depuis, le maire de Chiconi a pris un arrêté pour interdire la vente d’alcool de 8h à 16h30 en semaine, et de 8h à midi le samedi. (arrete-du-maire-290915) Partout ailleurs à Mayotte, c’est l’arrêté préfectoral qui prévaut, avec des ventes de 6h à 19h en semaine et jusqu’à 20h le week-end.
Me Ghaem, qui défend la commerçante, s’étonnait que la prévenue nie les faits, « en dépit des confirmations des gendarmes et policiers municipaux », et se demandera si la manifestation des habitantes avait été autorisée, « je rappelle enfin qu’on ne peut pas se faire justice soi-même. » Elle précise que sa cliente est en dépression nerveuse.
La substitut du procureur condamnait les propos et les actes, et demandait 4.000 euros d’amende, dont 1.500 euros avec sursis, et l’affichage de la décision de justice à ses frais.
Le délibéré sera rendu mercredi prochain.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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