Le BMA publie un rapport sur les médias dans la Grande île réalisé par un groupe d’experts. Après enquête et analyse sur la situation de la presse et la liberté d’expression dans le pays, le constat est sévère. Au moment où un nouveau cadre légal encadre l’activité médiatique, le BMA estime que la presse mais aussi la liberté d’expression y sont en déclin.
Le rapport pointe deux éléments qui expliquent une telle situation dans un pays où les médias, souvent très engagés, font pourtant entendre des voix parfois très dures avec les autorités. Pour le BMA, ce sont d’abord les dirigeants qui exercent sur la presse «une grande censure, autocensure, des pressions économiques et morales». Et le fameux code de la communication adopté par l’actuelle majorité face à une sphère médiatique vent-debout est vigoureusement dénoncé. Pour le groupe d’experts, ce texte remet en question «la régulation et l’indépendance» des médias.
La mainmise sur les chaînes publiques
Pour autant, tous les médias ne seraient pas logés à la même enseigne. Ainsi, les entreprises de presse proche du pouvoir seraient clairement favorisées. L’étude dénonce par exemple l’utilisation du service public audiovisuel par l’actuel gouvernement, des chaînes publiques qui seraient mises au service de la bonne parole de l’Etat. «Le ministre de la communication a ouvert son propre programme sur TVM et l’anime directement», dénonce le rapport qui considère de tels comportements comme une «aberration».
Dans la même veine, le rapport critique sévèrement le recul du nombre des formations proposées aux professionnels ainsi que des stages qui permettraient d’augmenter les savoir-faire et le professionnalisme des acteurs du secteur.
Des patrons en cause
Pour autant, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce déclin des médias n’est pas seulement la conséquence de choix et de comportements politiques. Les patrons de presse aussi auraient une part de responsabilité dans la crise actuelle.
«C’est assez mal payé, mais aussi en termes de couverture sociale et de couverture médicale, de matériel… On s’attend que ce soit une presse professionnelle, mais ce n’est pas possible si l’on travaille dans de telles conditions», estime Mialisoa Randriamampianina, la coordonnatrice du rapport. Les dirigeants des entreprises de presse sont donc appelés à se mobiliser pour maintenir la bonne qualité du travail des professionnels appelés à fabriquer les contenus.
A deux ans de la présidentielle
Les constats du rapport sont sans détour et ils sont d’autant plus important que le BMA ne s’était pas penché sur la situation à Madagascar depuis 4 ans. Son dernier rapport sur le pays remonte en effet à 2012.
Cette étude inquiétante est à mettre en parallèle avec les rapports annuels publiés par Reporters sans frontière. Certes, lors de sa dernière livraison, RSF positionnait la Grande île au 56e rang de la liberté de la presse sur les 180 pays étudiés. Madagascar s’adjugeait ainsi 8 places de mieux qu’en 2015 et même 25 comparé à 2014. Si RSF estimait que la situation de la presse y est globalement stable, l’organisation avait choisi le mot de «limité» pour évoquer la vigueur et la liberté du débat démocratique à Madagascar.
A moins de deux ans de l’élection présidentielle dans le pays, pas sûr que ce climat médiatique perturbé puisse significativement s’améliorer.
RR
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