Les jeunes qui ont quitté l’école sans diplôme, et qui veulent malgré tout continuer leurs études et prendre leur avenir en main, ont une deuxième chance: le lycée Bamana propose à tous ceux qui, âgés entre 18 et 26 ans, ont échoué deux fois au Bac et au BTS, de retourner sur les bancs de l’école.
Ce n’est pas rien à Mayotte où, face à la pression démographique et migratoire, la gestion du flux a toujours primé. Lorsqu’il demande au vice-rectorat de transposer le modèle de l’école de la deuxième chance à Mayotte il y a 3 ans, Philippe Louges, le proviseur du lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou, veut faire profiter le territoire de l’expérience positive qu’il a vécue à Reims: «Le décrochage scolaire est un problème national, un signe de l’échec du système scolaire dans son ensemble.»
Ils sont environ 120.000 chaque année en métropole, et il existe seulement une vingtaine d’établissement similaires dans l’hexagone.
Comprendre les raisons de l’échec
Ouvert il y a 3 ans avec 40 élèves, il en accueillait plus de 150 ce samedi matin dans la salle de conférence du lycée. D’origines diverses. Beaucoup travaillent, à l’image de ce surveillant au collège de Dzoumogné, ou de cette salariée d’EDM: «je veux obtenir mon BTS Gestion». Certains sont là dans l’espoir d’obtenir des papiers: «Nous les recevons en entretien individuel pour évaluer leur motivation. Il ne s’agit pas de cumuler les échecs, mais bien de déboucher sur un diplôme», explique Pascal Hallegot, qui supervise la filière générale.
Et les chiffres ne peuvent qu’encourager à prolonger l’expérience: «Nous sommes à 60% de réussite dans les 3 filières générales et, à 56% en Sciences et technologies du management et de la gestion, qui dépassent les 52% de la filière traditionnelle en lycée.» Ils sont d’ailleurs une grande majorité de STMG à s’inscrire. Ce qui mériterait une réflexion sur l’enseignement traditionnel de cette filière.
Les élèves sont en autonomie et il ne tient qu’à eux d’être assidus. «Nous n’irons pas vous chercher si vous ne venez pas en cours, la réussite dépend étroitement de votre investissement personnel», précise Yacoub Sow, qui coordonne le lycée de la deuxième chance avec Pascal Hallegot. Ce sont des professeurs volontaires, une trentaine, rémunérés en heures supplémentaires, qui y enseignent, «avec des accompagnements personnalisés cette année pour évaluer avec l’élève ce qui l’a mis en échec.»
Pas de problèmes de discipline
A l’extérieur du lycée, 4 salles sont mises à disposition des 3 sessions générales, S, ES, L et 2 technologiques, ainsi que des BTS. Pour contrer tout problème de sécurité, des badges seront distribués pour identifier les lycéens et étudiants.
Les responsables ont insisté sur la volonté de la vice-recteur de Mayotte qui finance le dispositif à hauteur de 40.000 euros. Un investissement dans la jeunesse, qui ne se sent plus délaissée, lui évitant de basculer dans l’exclusion et la délinquance, vrai coût pour la société. «Nous avons peu de démissions en cours d’année, et ne constatons aucun problème de discipline. Ce sont des élèves qui ont été confrontés à l’échec, et qui ont compris l’intérêt que leur offre la structure», souligne Philippe Louges.
Des quatre coins de l’île
Tous les élèves ne se présentent pas spontanément au vice-rectorat, comme l’explique Halime M’Dahoma, Coordonnateur académique de la Division de lutte contre le décrochage scolaire: «Le décrochage n’est pas plus accentué à Mayotte, c’est d’ailleurs une priorité européenne. Nous travaillons sur une base de système d’échange d’informations qui met en évidence les élèves qui sont sortis du système scolaire sans diplôme. Un dispositif identique est mis en place pour les élèves post-3ème.»
Une maman arrive en soufflant: «J’arrive de Kani-Kéli pour accompagner mes fils», nous apprend-elle. Ici, les élèves qui viennent des quatre coins de l’île, «une réflexion est menée pour ouvrir d’autres école deuxième chance sur le territoire», glisse Philippe Louges.
Un seul regret, la rentrée tardive, à mettre en lien avec les nombreuses problématiques à régler: les élèves reprendront le chemin des études début novembre.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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