Ces étendues lunaires, arides et dures, semblent condamnées à laisser l’eau ruisseler. Et cela ne peut qu’empirer puisque le défrichage permanent de la surface forestière à Mayotte, tond peu à peu l’île qui va bientôt ressembler à un padza géant. Avec les conséquences que cela peut avoir en matière de stockage d’eau et de pluviométrie.
Laurent Mercy, Directeur de l’Office nationale des Forêts (ONF) Mayotte, se dit d’ailleurs pessimiste, et a fait appel à des techniques novatrices.
En 2013, le département de Mayotte sort une présentation du projet d’expérimentation d’itinéraires techniques alternatifs pour le reboisement des padzas à Mayotte. Un dossier FEADER européen, d’un montant de 133.000 euros, avec 18% Etat et 7% du conseil départemental. Comme nous l’avions déjà évoqué, c’est le padza de Kahani qui a été élu, et ses 4 types de sol: blanc, rouge, à graminée et à fougère.
Marier espèces végétales et champignons
Deux partenaires seront choisis. Le Conservatoire botanique de Mascarin est le premier, qui devra fixer la liste des essences adaptées. Jusqu’à présent, les padzas étaient replantées avec des espèces exotiques, souvent invasives comme l’acacia. Mais le choix d’espèces indigènes n’est pas le plus facile, comme l’explique Laurent Mercy: «Le conservatoire va devoir enlever la dormance des graines récoltées. Dans la nature, elles germent avec des conditions bien précises, qu’il va falloir reconstituer en laboratoire.»
Le 2ème partenaire est un petit laboratoire allemand qui utilise la mycorhisation: «Ce sont des petits champignons non apparents, qui vivent en symbiose avec les racines de certaines plantes, à qui ils apportent des éléments nutritifs contre du carbone.» Une technique déjà utilisée en agriculture. «Mais la nouveauté réside dans l’utilisation de souches locales de champignons, dont une douzaine a été identifiée.»
Résistant à la chaleur
L’une d’elle est même particulièrement vigoureuse et sera mélangées avec plusieurs autres, «nous fabriquons un inoculeur en poudre spécifique au territoire. C’est la première fois que ce laboratoire travaille sur des souches locales.» Des essais préliminaires sont pratiqués sur le palmier Phoenix.
Ces mélanges, appelés éliciteurs, sont soit incorporés dans le sol à la germination, soit vaporisés sur les feuilles, et accroissent également la résistance des plantes aux stress, «ici, nous testons la résistance à la sécheresse, c’est une première mondiale.» Ce sont 17 espèces qui sont ainsi choisies, bénéficiant de ces éliciteurs qui doivent les booster.
Le programme va être regardé de prés, et pourrait ensuite servir d’exemple pour beaucoup de pays confrontés au déficit de pluviométrie. Et pas seulement, «l’éliciteur peut aussi contourner les apports toxiques de l’aluminium contenu dans certains sols.»
30% de gain de croissance
Les espèces végétales endogènes et de champignons ont été sélectionnées, l’inoculeur est en cours de fabrication, la phase de plantation en pépinière à Coconi va démarrer en mars avril, à la fin de la saison des pluies, «avec un prévisionnel de 20.000 plants», souligne Laurent Mercy, qui arbore un air réjoui, «les tests préliminaires ont bien fonctionné. On accroît de 30% environ la productivité de la plante.» La plantation en padzas devrait se faire en décembre 2017.
Les applications de cette expérimentation sont multiples: «Elle permettrait pour la première fois d’avoir une plantation efficace d’espèce locales en milieu difficile, mais aussi d’avoir des débouchés pour l’agriculture locale. Un rendement bien supérieur sans utilisation d’engrais.»
Des crédits européens prévoient également l’entretien des plantations, et ensuite, la nature doit faire le reste…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte