La chute d’activité des PME-TPE (Très petites entreprises), que la CGPME date depuis la dissolution du SMIAM, l’a incité à produire une enquête statistique élaborée par ses propres adhérents, « il peut y avoir des erreurs », modère Saïd Bastoi, le président de la CGPME. Qui signale de suite une faille : « Faute d’existence d’une cellule économique du bâtiment à Mayotte, nous n’avons pu obtenir d’informations de tous les donneurs d’ordre. Seul l’Etat, le CHM et la commune de Mamoudzou diffusent leurs appels d’offre. » Sous-entendu, les autres communes ne le font pas toujours.
Il faut saluer l’évolution de la CGPME qui n’est plus seulement dans le revendicatif, mais propose des pistes. Saïd Bastoi défend en premier lieu son identité, « nous défendons le patronat réel, constitué de chefs d’entreprise qui engagent leurs finances et leur patrimoine, et qui peuvent tout perdre lors d’une liquidation. Contrairement au patronat de gestion, dont les responsables ne sont que les salariés de grands groupes », et adhérents au Medef Mayotte. La frontière, il la calcule en terme de marché : « Celle qui n’a pas les garanties financières suffisantes pour répondre à un marché de plus d’un million d’euros, c’est une PME. »
Les PME ont du mal à faire leur marché
A Mayotte, plus de 98% des entreprises ont moins de 10 salariés, « si toutes les entreprises artisanales n’embauchaient ne serait ce qu’un seul salarié, on règlerait en grande partie le problème du chômage à Mayotte. » C’est dire le potentiel de développement.
Soulaimana Bamana, Chargé de la commande publique à la CGPME, commente les tableaux des activités des PME-TPE : « On chiffre à 178,3 millions d’euros, le montant des marchés en 2015, dont 30% passés par l’Etat sur les constructions de collèges et lycées, 21% par le centre commercial du Baobab, autant par le CHM, et seulement 10% par le département.
Et même en les modérant d’une marge d’erreur, la part obtenue par les PME-TPE est éloquente : 1% des marchés d’Etat sur les établissements scolaires, 23% des opérations menées par le département dont les stades de Cavani et de Pamandzi, 38% chez les communes essentiellement grâce à Mamoudzou, 3,78% pour les travaux du CHM, et… 0% sur le Centre d’affaire de Kawéni ou le centre commercial Sodifram, 0% pour les marchés du Syndicat des eaux. Avec 162 millions d’euros mobilisables par ce dernier en programmes de développement, une conclusion s’impose aux PME-TPE, « approfondir les relations avec le Sieam. »
L’exclusion par la clause
Ont-elles les capacités d’y répondre ? « Oui », selon la CGPME qui défend les compétences de ses adhérents, en évoquant « des raisons subjectives » pour cette mise à l’écart.
Cela passerait par une rédaction détournée du cahier des charges lors des appels d’offre, comme l’illustre Ousseni Souffou, VP de la CGPME chargé de l’artisanat : « Tout en respectant le code des marchés publics, il suffit de rajouter une clause qui va exclure les PME. Par exemple, pour l’école de Labattoir, il était précisé que l’ouvrage était en conception réalisation, c’est à dire que seule une grosse entreprise peut être à même de faire l’étude et les travaux… »
Pourtant, des dispositions nationales favorisent l’accès des PME aux marchés publics, l’allotissement par exemple : « Mais vous pouvez avoir des petits lots assortis d’une mention ‘doit déjà avoir de l’expérience’. » Saïd Bastoi aimerait que le Small Business Act, qui aménage des facilités aux plus petits, s’applique à Mayotte.
Manque d’effectifs aux Finances publiques
Les PME ne sont malgré tout pas exemptes de reproches, « certains artisans sont défaillants », consent Ousseni, mais il insiste sur les freins, parfois stupides : « Certaines communes font du copier-coller lors des appels d’offre et demandent des garanties décennales pour de la peinture extérieure, qui n’est pas couverte par cette garantie. De plus, seules 5% des PME-TPE ont cette garantie décennale, qui coûte cher. »
Et quand ils pourraient bénéficier d’avantages, comme les intérêts moratoires de la part du donneur d’ordre, ils ne sont pas appliqués, « il y a vraiment deux poids et deux mesures ! » A l’image d’une clause environnementale, il demande qu’un critère social soit mentionné au cahier des charges, et que soit rétabli le « quart réservataire », qui réservait un ou plusieurs lots aux sociétés coopératives.
Les chefs des petites entreprises reprochent aux finances publiques leur côté procédurier : « Sur un marché, 5% d’avances étaient prévues pour permettre à l’artisan d’acheter son matériel, mais retoqué par le payeur. Nous soupçonnons des défaillances dues à manque d’effectif aux finances publiques. »
Effort de mobilisation
Saïd Bastoi souligne l’implication de l’ancien préfet Thomas Degos, « qui avait mis en place un mandatement d’office qu’il pouvait personnellement exercer à la demande de l’entreprise. Qui fut détourné par les communes, qui mandataient, mais laissaient trainer. »
En conclusion, le CGPME reconnaît qu’une action commune est à entreprendre avec notamment la Capeb, la FMBTP, « et le Medef dont nous partageons la liste aux élections de la CCI », pour pouvoir ensuite faire du lobbying auprès des parlementaires afin d’obtenir des zones franches urbaines, » qui exonèreraient les plus grosses des PME de charges sociales. Mais le syndicat en appelle surtout à la Direction du Travail (Dieccte), pour « renforcer les contrôles sur le travail clandestin, la concurrence déloyale et l’économie parallèle. » Et plus largement, elle met l’accent sur une nécessaire formalisation des TPE et PME, un effort de formation, une mobilisation des concours bancaires et la réactivation des Assises de développement local.
Des projets d’envergure ! Voilà ce qu’ils demandent aux élus du département-région : « un gros chantier à 500 millions d’euros, qui pourrait être par exemple une vingtaine de quais maritimes comme alternative à la route. C’est bien de faire du social, mais c’est le développement économique qui va créer des emplois. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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