Son programme avait été conçu pour ça : prendre connaissance des dispositifs en cours pour « tisser du lien », expression qu’elle utilisera à plusieurs reprises. Au collège de Doujani, le plus gros de France avec ses 2.017 élèves et ses 70 classes, la ministre aura eu un long échange avec un échantillon des 22 Equipes mobiles de Sécurité (EMS) et des 222 médiateurs PEPS du territoire.
Présents tôt le matin, dès l’arrivée des premiers élèves, les EMS repartent des établissements tard le soir, avec un emploi du temps complémentaire des médiateurs PEPS. En réponse à ses questions, Ericka Bareigts apprendra que leurs lieux de vie sont à proximité de l’établissement, pour une meilleure connaissance de la population. « Mais certains parents ne vous posent-ils pas de problèmes ? », « Oui », répond l’un d’eux, « il y a des parents agressifs avec leurs enfants, on leur dit ‘c’est pas un truc à faire, vous risquez la prison. C’est pas avec des coups qu’il va apprendre.»
Malgré leur timidité, Ericka Bareigts parvient à discuter d’égal à égal, et souligne leur rôle : « En renouant le lien entre parents et enfants, vous travaillez à la sécurité autant que la police et la gendarmerie, mais vous travaillez sur le lien social, vous utilisez la parole comme une arme. Votre société mahoraise a évolué, et il faut en expliquer les règles, le rôle de l’école, vous faites un travail fondamental. »
Plan d’équipements sportifs en cours
Un peu plus tard dans le même collège, elle rencontrera des enseignants qui travaillent à l’accompagnement des néo-contractuels, ainsi que sur le décrochage scolaire en 3ème. Comme ils se plaignaient de la déficience en installations sportives que doivent se partager clubs et établissements scolaires, la ministre annonçait la mise en place d’un Plan d’équipements sportifs dans l’ensemble des territoires ultramarins, cofinancé par les ministères des Sports et des Outremer, « Mayotte a accueilli une mission à cet effet », nous glissait le préfet Frédéric Veau.
Elle poursuivra par des échanges avec les jeunes du Centre d’accueil de jour Msayidie, « Aide-le », d’Apprentis d’Auteuil, fréquentés par 80 jeunes, alors que 300 sont suivis par des éducateurs sociaux. Ils récupèrent ces enfants de 11 à 16 ans dans les rues, lors de maraudes, et leur donnent des bases en mathématiques et français, « 50 ont pu être rescolarisés l’année dernière », indique Antoine Duhaut, le directeur d’Apprentis d’Auteuil Mayotte
Lors d’un échange avec les jeunes, puis avec les éducateurs, la ministre prendra conscience de la difficulté de la mission : « Les démarches pour les rescolariser sont parfois compliquées et longues », explique l’un, « c’est la même chose pour trouver ou désigner un représentant légal de l’enfant », explique un autre. Le centre d’accueil attend la convention d’habilitation, « mais elle se fera sans moyens financier supplémentaire », explique Antoine Duhaut à la ministre, « nous fonctionnons avec un cofinancement Etat et européen. »
Les femmes absentes de l’espace public
Ericka Bareigts qui réserve ses annonces pour ce vendredi, présente malgré tout une grande avancée : « un cofinancement Etat et conseil départemental sur la politique de la protection de l’enfance. » Une première prise de conscience de l’implication de l’Etat dans la situation des mineurs isolés.
Elle n’aura pas tapé dans la balle, mais c’est sur un terrain de foot qu’Ericka Bareigts conclura sa journée. En inaugurant presque le parcours d’excellence sportive : « Nous venons de sélectionner les 22 filles qui en feront partie, 11 en foot, et 11 en hand-ball, toutes logées à l’internat d’excellence de Dembéni », détaille David Hervé, Conseiller sport à la DJSCS.
Après un échange avec les filles, Ericka Bareigts faisait remarquer que la présence des femmes dans l’espace publique faisait défaut, à Mayotte aussi : « Elles ont mené de grands combats, mais de là à passer à la prise de fonction, c’est autre chose »…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte