Mayotte, «radeau au milieu de l’océan» des Prix littéraires 2016

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Natacha Appanah (Photo: Gallimard)

tropique-de-la-violenceC’est une rare unanimité qui entoure le roman de Nathacha Appanah quelques semaines après la rentrée littéraire. «Tropique de la violence» est un des livres événements de ces dernières semaines, retenu parmi les 16 de la sélection pour le Prix Goncourt, parmi les 25 en lice pour le prix Médicis ou les 13 pour le Prix Wepler. Sa particularité: transporter les lecteurs à Mayotte pour partager la vie de cinq personnages, «cinq destins qui vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien, dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos».

L’histoire est d’abord celle de Moïse, un bébé abandonné par sa mère sur une plage de notre île parce qu’il avait les yeux vairon, un noir et l’autre vert, et recueilli par Marie, une infirmière qui va devenir sa mère adoptive. Autour d’eux, un humanitaire, un policier ou des ados délinquants dont la vie se résume à survivre dans «ce paradis perdu qu’est devenu Mayotte».

La presse nationale a été emportée par l’histoire et ce qu’elle donne à voir de notre département. Pour le Parisien, «’Tropique de la violence’ témoigne sans faire dans la dentelle du désastre économique et social d’un territoire oublié de la France. On y assiste aux mourengués, ces combats à mains nues qui font et défont les caïds. Dans le quartier défavorisé de Kaweni surnommé Gaza, on survit comme on peu dans la crasse, les crevasses, la boue ou la poussière. Les plages paradisiaques embrassent à pleines vagues la condition des clandestins jetés sur la rive dans des embarcations nommées ‘kwassas kwassas’».

Pour le journal, l’ouvrage est un «témoignage d’un désastre humain caché derrière la beauté du paysage. L’écriture de Nathacha Appanah est simple et fluide, en prise directe avec le lecteur. La romancière y fait parler les vivants autant que les morts. Le tout est d’une impressionnante puissance de tir.»

Les migrants et la place dans nos sociétés

La Croix parle de notre île comme un endroit où «deux univers cohabitent: le territoire français et le radeau au milieu de l’océan Indien où débarquent les malheureux des îles avoisinantes. Deux mondes qui représentent les deux vies de Moïse, arraché à son destin par Marie avant d’y retourner brutalement. Pas de métadiscours sous la plume efficace de Nathacha Appanah : seulement des tranches de vie, des existences de part et d’autre d’un miroir, des points de vue contrastés sur le nœud coulant qui inexorablement se resserre autour de Moïse et de Bruce. Au plus près de ses personnages, ce récit magistral jamais ne les perd de vue, même quand eux se perdent jusqu’aux lisières de la folie et de la mort.»

Natacha Appanah (Photo: Gallimard)
Nathacha Appanah (Photo: Gallimard)

La presse nationale voit dans cet ouvrage l’évocation d’un «thème plus politique et en résonance avec l’actualité: celui des migrants. Quand tout le monde parle de Lampedusa et de «l’invasion» de l’Europe, qui peut dire ce que sont les kwassas kwassas?» demande le Figaro, «ces embarcations sommaires venues des Comores voisines amenant avec elles des humains en quête d’ailleurs, en quête d’un «là», d’un endroit où ils pourront trouver leur place».

Un 6e roman

Nathacha Appanah est née le 24 mai 1973, à Maurice, dans la ville de Mahébourg, dans une famille d’engagés indiens de la fin du XIXe siècle. Installée en France hexagonale fin 1998 (à Grenoble, puis à Lyon), elle termine sa formation dans le journalisme et l’édition. Son premier roman, «Les Rochers de Poudre d’Or» évoquait précisément l’histoire des engagés indiens et fut couronné par le Prix RFO du Livre 2003.
En 2007, elle a reçu le prix du roman Fnac pour «Le dernier frère». «Tropique de la violence» est son 6e roman.

«J’avais envie d’écrire ce livre, confie l’auteure, comme un texte de théâtre antique, tropical, orageux et lumineux en même temps», a-t-elle confié à nos confrère de RFI qui parle d’un «livre ambitieux, comme le sont tous les livres de Nathacha Appanah». «Le lecteur en sort, chaque fois, ébloui».

RR
www.lejournaldemayotte.com

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