C’est le combat de deux parents. S’ils sont venus sur cette île de l’océan Indien, c’est pour changer d’air après une grande douleur familiale, celle de la perte d’un fils victime d’un accident de moto.
Ayant eu sa mutation comme professeur de cuisine au lycée de Kawéni, David décide de venir avec son épouse quelques mois avant la rentrée pour préparer la scolarisation de leur fils Maxime. « C’est un adolescent autiste modéré de 16 ans, qui n’a pas de troubles de comportement », nous explique-t-il, alors qu’ils dînent tous les trois dans un restaurant de Passamainty.
Maxime était scolarisé jusqu’à présent dans une classe ULIS (Unité localisée pour l’Inclusion scolaire) d’un collège de métropole, où les élèves se rendent dans les cours principaux dans des classes traditionnelles, tout en bénéficiant d’un accompagnement personnalisé, « il reproduit systématiquement les comportements des autres. C’est ainsi qu’il évolue », souligne Marie-Claude.
Affecté à l’IME qui affiche complet
Le même cadre existe à Mayotte, leur assure-t-on, et leur fils pourra en bénéficier. Pendant un an, il est en effet intégré dans une classe ULIS qui vient de se créer au collège de Chiconi, « avec un enseignant non titulaire, plein de bonne volonté, mais dépassé. » Mais surtout, il ne bénéficie pas d’accompagnement spécialisé, un auxiliaire de vie scolaire qui pourrait lui permettre de suivre des cours avec les autres, comme c’était le cas en métropole.
Or, ce système existe à Mayotte, « mais l’ASH* du vice-rectorat reste sourde à nos propositions, et même à un investissement personnel que nous proposons. En nous faisant sentir que nous ne sommes pas des professionnels ». « Avec un enfant autiste, vous n’auriez pas du venir à Mayotte ! », s’entendent-ils dire.
Ils anticipent l’année à venir, surtout qu’il vient d’avoir 16 ans, et doit basculer vers le lycée : « Dès le mois de février 2016, nous déposons à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) une demande d’orientation scolaire pour l’ULIS du lycée de Kawéni, où je travaille, qui n’accueille que 6 élèves sur les 12 places proposées. » L’ASH se réunit, et leur oppose un refus, « jugeant qu’il devait intégrer un IME. » Un Institut médico-éducatif qu’ils souhaitent éviter, « c’est un centre dédié aux personnes handicapées atteintes de troubles du comportement. Mais surtout, il n’y a pas de place. »
Scolarisé en CAP
Ils demandent le dossier de leur fils, apprennent qu’il aurait été perdu à la MDPH, puis retrouvé à temps pour qu’une commission statue sur son sort le 8 juillet : « Nous apprenons que le dossier est rejeté, la MDPH demandant un bilan psychologique récent. Contrairement aux autres jeunes. » Ils sont en attente d’un rendez-vous au CHM. Nouvelle commission le 15 septembre, nouveau refus, ils prennent ça pour de l’acharnement, « c’est de la maltraitance », lancent les parents.
Entretemps, Maxime régresse selon eux, et ses chances de scolarisation s’amenuisent. David s’entretient alors avec Alain Berna, le précédent proviseur de son lycée : « Il accepte qu’il soit scolarisé en CAP, et la vice-recteur donne son aval. »
L’accompagnement personnalisé, c’est donc lui son papa qui va le prendre en charge en attendant qu’une solution soit trouvée : « Et ça se passe très bien en CAP », assure-t-il, « les autres élèves n’ont pas la même image du handicap, qu’en métropole, ils se considèrent comme leurs grands frères et le maternent. Il ressemble à un vrai jeune homme depuis. » Ce n’est malgré tout pas la place d’un jeune autiste, qui n’a pas la maturité de ses 16 ans, comme le confient ses parents.
« La meilleure solution pour l’enfant »
Ils demandent que la loi s’applique, « puisque la décision de la MDPH est inapplicable faute de place en IME, elle doit proposer une autre solution. L’IME, c’est 4.000 euros par mois pour la société, la solution d’un ULIS est la moins couteuse, et la meilleure pour notre fils. » Selon eux, c’est le parti pris d’une Inspectrice de l’éducation nationale de l’ASH qui est à l’origine du blocage.
Du côté de la MDPH, on affirme que la décision de l’IME prise par la Commission est « la meilleure pour l’enfant après avoir évalué ses besoins. » Et s’il n’y a pas de place, « ce n’est pas de la responsabilité de la MDPH, mais un combat qui doit être mené pour une extension de cette structure médico-éducative. » La solution d’un accueil en classe ULIS avec accompagnement individuel, qui ressemble à un bon compromis entre l’IME et un CAP non accompagné, ne semble toujours pas d’actualité.
Les parents comptent faire appel lorsqu’ils auront reçu la notification de la MDPH, mais pendant ce temps, toute la prise en charge est stoppée, notamment le transport, puisque le placement en lycée est le fruit d’une initiative individuelle.
« Nous nous battons pour nous, mais aussi pour que ça serve à d’autres. Nous avons contacté Toioussi, qui nous a incité à fédérer les parents dans notre cas en association qui porte leurs demandes. » Mais l’énergie, c’est ce qui commence à leur faire défaut. « Nous avons commencé à prendre des renseignements à La Réunion où je demanderai ma mutation si nous n’y arrivons pas. » Ils comptent également saisir l’Agence Régionale de Santé.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Adaptation Scolaire et Scolarisation des élèves Handicapés