« Bien que l’égalité soit avancée, elle plafonne dans les 4 ‘vieux’ DOM 70 après leur départementalisation. Le terme de ‘réelle’ qui fait parfois sourire, signifie qu’elle va au-delà de l’égalité sociale, déjà acquise dans les autres territoires », commente le député Mahorais Ibrahim Aboubacar.
Mayotte département depuis 5 ans, ne connaît pas encore cette égalité sociale, et va donc bénéficier de ce texte dans beaucoup de domaines.
Ibrahim Aboubacar est aussi celui qui a supervisé l’atelier de rattrapage des avancées sociales du document Mayotte 2025 : « J’avais donc le choix : les reprendre point par point pour les reporter dans le projet de loi Egalité réelle, ou intégrer dans celui-ci la totalité de Mayotte 2025. » Il opte pour cette deuxième solution, donnant ainsi un cadre législatif à Mayotte 2025, « c’est donc maintenant le gouvernement qui va l’arbitrer. » Proposant une visibilité supérieure pour son évolution.
ARS Réunion-Mayotte
Notre député PS, qui avait été nommé responsable des députés de son parti en séance sur ce projet de loi, a proposé plusieurs autres amendements, également retenus, qui permettent d’inscrire dans le marbre des promesses, non tenues en leur temps.
C’est le cas de la CMU-C, qui n’existe pas à Mayotte. C’est d’une prise en charge gratuite de la totalité des dépenses de santé, qu’il s’agit. La loi Santé la prévoyait pour la fin de l’année à Mayotte, « mais l’agenda législatif se termine. » Le député Mahorais a donc décidé d’accrocher la CMU-C au projet de loi Egalité réelle : « la loi va donc le permettre, maintenant il faut que les partenaires sociaux s’accordent et en fassent la demande. » Même sort pour les retraites complémentaires, « l’Etat généralisera leur application aux secteurs public et privé quand les partenaires sociaux l’auront voté pour le secteur privé. »
Il demande également que l’ARS OI soit rebaptisé ARS Réunion-Mayotte, en espérant faire évoluer les lignes de répartition des fonds entre nos deux îles.
« A titre expérimental », pour ne pas dire dérogatoire
Autre combat homérique, celui de la vie chère. Le parlementaire reprend le dernier avis de l’Observatoire des prix, « arrivé trop tard pour l’arrimer au projet de loi », et demande que le préfet « négocie avec les grandes surfaces des tarifs de gros à destination des doukas », que les tarifs des transports maritime et aérien soient intégrés au Bouclier Qualité prix, et que les inspecteurs de la Direction du travail (Dieccte) enquêtent sous des identités d’emprunt auprès des opérateurs.
N’oublions pas que notre député travaillait sur les avancées qui concernaient l’ensemble des Outre-mer, « il n’y en a que pour Mayotte », lui auraient glissé ses pairs ! Des points qui concernent donc notre île aussi. L’article 19 cible la place laissée aux TPE-PME dans les marchés publics : « les pouvoirs adjudicateurs peuvent leur réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés », en glissant à l’endroit de la CGPME que ce ne devait pas être du copinage. « Peuvent », et non pas « doivent », car sinon le dispositif aurait dû être national… « Nous avons déjà été obligé de l’inscrire à titre expérimental sur 5 ans. »
Savoir profiter de la loi quand elle est là
L’annotation « expérimental » permet d’octroyer des dérogations déguisées aux Outre-mer, dans d’autres domaines. C’est le cas de l’aide au fret : « elle existe pour les échanges entre la métropole et les Outre-mer, mais pas à l’intérieur de la région du DOM, un comble quand on évoque l’intégration à la région ! » En ce qui concerne Mayotte, elle va donc permettre des exonérations sur le transport depuis Madagascar, les Seychelles ou l’Afrique de l’Est. Des zones franches globales sont demandées par certains territoires, « refusées par d’autres. »
Une autre mesure freinée par un ministère, celui de la fonction publique, selon Ibrahim Aboubacar porte sur les Centre d’intérêts matériels et moraux, « pris en compte pour tout retour de fonctionnaires sur leur île, ou tout habitant qui veut y séjourner. »
Les facilités de rapatriement des corps sont également mentionnées dans ce projet loi décidément très concret. C’est de toute manière un autre gouvernement qui devra l’appliquer.
On se plaint souvent que les exécutifs locaux ne peuvent toucher leurs parlementaires pour provoquer des avancées. Là, le cadre législatif est donc donné dans plusieurs domaines sociaux, économique, de formation, « ce sont les élus qui doivent maintenant s’en saisir », conclut Ibrahim Aboubacar.
Après le vote, le Sénat devra se prononcer sur le projet de loi Egalité réelle qui reviendra en seconde lecture à l’Assemblée nationale en février 2017.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte