Ce Diplôme universitaire (DU) a été lancé pour la 1ère fois il y a un an, dans le cadre de la réflexion voulue par le gouvernement sur le citoyen et le civisme, mais aussi du ministère de l’Education nationale sur la laïcité, dans une ambiance d’attentats terroristes. Une sacrée évolution pour ce corps de juges de paix islamiques, que Younoussa Abaine, le Directeur de la Médiation du Conseil départemental, fait remonter à l’arrivée des Shiraziens entre le XIVème et le XVIème siècle : « en 1841 le traité de cession de Mayotte à la France a été vérifié et approuvé par le Cadi Fouad Ahmad Ben Attoumane », rajoute-t-il.
Ce DU proposait dès sa création deux filières, courte en un an, ou longue sur deux ans qui intègre une remise à niveau.
Les cadis ayant été acceptés en filière courte ont donc passé leurs examens de fin de cours. Pour les écrits jeudi dernier, il fallait plancher pendant 3 heures sur un QCM (Questionnaire à choix multiples) pour tester les connaissances acquises, et la production d’une courte dissertation, et samedi, c’était le grand oral. Deux cadis sur les 16 inscrits ne se sont pas déplacés, dont l’ancien porte-parole du Grand Cadi, El Mamouni Mohamed Nassur.
Et les cloches sonnent
Le jury était composé du président du TGI Laurent Sabatier, de la juge Berteline Monteil, d’Aurélien Siri, Responsable du D.U. Valeurs de la République et Religions, et de leur professeur d’arabe Leïla Al Ardah.
« Ils devaient composer sur des situations pratiques, auxquelles ils pourraient être confrontés plus tard, comme des conflits familiaux ou des arrivées de collégiennes voilées à l’école, ou encore des prières sur des lieux publics », nous relate Aurélien Siri. Un oral qui aura permis d’aborder autant la signification des cloches sonnant pour appeler les fidèles chrétiens à la prière, que les transfusions sanguines, ou différents problèmes scolaires, « nos questions ont été exigeantes », commente l’universitaire. Un diplôme à ne pas prendre à la légère donc.
Ils sont 12 à avoir validé leur formation, « un manque de connaissance lié à un travail insuffisant pour deux d’entre eux ». Peuvent mieux faire donc. Car l’objectif de la formation était d’acquérir une connaissance sur les conditions d’exercice de la pratique religieuse, d’en repérer et d’en maîtriser les débordements, « il faut par exemple savoir ce qu’est un signe ostentatoire. »
Envoyés en médiation dans les prisons, hôpitaux ou tribunaux…
Le diplôme n’est pas exportable pour l’instant, « il est propre à l’établissement de Dembéni, bien que reconnu comme 14 autres en France, par le ministère de l’Intérieur », mais pourrait le devenir sous sa nouvelle version, qui sera inaugurée le 22 octobre à Mayotte, le DU « Valeur de la République et religions ».
Le nouvel organigramme du conseil départemental organise leur place, demeurée floue depuis la départementalisation et l’arrivée d’un droit commun qui a grignoté tout à fait leurs compétences. « Les élus ont récemment pris de nouvelles orientations puisqu’aujourd’hui mon service évolue en Direction de la médiation et de la Cohésion sociale. En y rajoutant ce dernier domaine, ils prennent en compte les aspects multiculturel et multiracial de notre société mahoraise », approuve Younoussa Abaine.
Non seulement les cadis pourront se prévaloir de ce diplôme pour tout emploi d’aumôniers dans les prisons ou les services hospitaliers, « et le président Sabatier a aussi identifié des candidats potentiels à la médiation sociale au tribunal », glisse Aurélien Siri.
… communes et établissements scolaires
Younoussa Abaine compte de son côté proposer un partenariat institutionnel aux communes, « pour participer notamment aux Conseils de prévention de la délinquance », avec le tribunal, et le vice-rectorat, « ils pourraient intégrer les conseils d’établissement. »
La formation à la médiation pourra être suivie en interne au conseil départemental, « mais elle sera aussi intégrée dans le nouveau DU ‘Valeurs de la République et religions’», précise Aurélien Siri, dont la future promotion sera sélectionnée vendredi prochain.
Un nouveau DU (du-valeurs-de-la-republique-et-religions) qui élargi donc le champ des possibles et des connaissances entre les valeurs portées par la République et leur compatibilité avec l’ensemble des religions et non plus seulement l’Islam.
Il s’adresse donc à un public plus large : les cadis, bien sûr, mais aussi les aumôniers de tous cultes travaillant dans des établissements pénitentiaires, des établissements hospitaliers et dans l’armée, mais aussi les salariés du secteur privé concernés par le fait religieux, les responsables associatifs religieux ou de la société civile, les étudiants…
Les cadis qui attendaient de voir émerger un nouveau statut vont pouvoir se réapproprier leurs domaines d’activités traditionnels, en total respect du droit commun… dans la droite ligne de leur DU !
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte