Comme Guy Fitzer, sous-préfet chargé de la Cohésion sociale n’avait pas fait les choses à moitié pour les Journées de la Ville en mobilisant le CUFR de Dembéni, il avait aussi convié le leader d’un domaine d’action vitale de la politique de la Ville à Mayotte, Hervé Fernandez, le Directeur de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.
Une action qui connut des hauts et des bas sur le territoire. Et Hervé Fernandez peut en témoigner, lui qui foula notre sol en 2009, « sous le préfet Derache et le sous-préfet Kromwell. » La belle époque où l’on commençait à parler d’engagement fort de l’Etat avec la naissance des écoles des parents… qui furent ensuite délaissées pendant plusieurs années. Lorsque nous l’avons interrogé, il n’en disconvient pas, « les acteurs locaux avaient sans doute d’autres priorités comme le retour à l’emploi. Il a donc fallu ensuite trouver les moyens pour pérenniser les actions de lutte contre l’illettrisme. »
En 2011, la situation n’est pas meilleure, puisque la ministre des outre-mer de l’époque, Marie-Luce Penchard, déboule à Mayotte en interrogeant sur le taux d’illettrisme pour mettre en place une politique adaptée… Grand silence en retour. « Je me suis battu pour que l’INSEE chiffre l’ampleur des besoins », rapportait Hervé Fernandez ce vendredi matin dans son discours, « à Mayotte, la moitié des habitants a été scolarisée, et un tiers d’entre eux est en situation d’illettrisme. »
8 communes ont compris les enjeux
On parle en effet d’illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées en français, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture et de l’écriture dans la langue. La population en âge de travailler est touchée à 60% par des difficultés aux compétences de base, et ne comprennent donc pas des consignes simples. Un handicap qui explique aussi le niveau de chômage, et contre lequel il faudrait des moyens conséquents.
Car « derrière les chiffres, il y a des vies », souligne Hervé Fernandez qui rajoute que « 48% des jeunes de 16 à 24 ans sont touchés. On peut apprendre à l’école et perdre ses connaissances, et en avoir honte. »
Le Plan contre l’Illettrisme qui avait été mis en place, est resté somnolant, mais est en cours de réactivation avec la renaissance de la Plateforme permanente de lutte contre l’illettrisme, « nous en sommes à la phase de marché public, il y a une volonté politique forte », rassure-t-il. La Plateforme prendra en charge les parents, « avec les moyens de la politique de la Ville, ceux de la Dieccte et de 7 collectivités, Acoua, Chirongui, Dembéni, Mamoudzou, l’Intercommunalité de Petite Terre (Dzaoudzi et Pamandzi), Sada et Tsingoni. »
Chaque financeur achète des places de formation
Dans ces communes un formateur va assurer des rotations pour prendre en charge les parents, mais aussi tous les habitants qui le demandent. Ce redressement de situation on le doit au passage de la mission d’ingénierie de Florence Foury, « notre correspondante pour la Guyane. »
Le principe est simple : « Chaque financeur achète des places de formation, par exemple le CNFPT pour les agents des communes, le Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi, ou OPACALIA pour les salariés. La mutualisation des fonds permet de faire intervenir les formateurs dans les communes, comme le veut notre devise ‘Réunir pour mieux agir’ ».
Un système qui a permis à l’illettrisme de reculer en métropole, « de 9% en 2004 à 7% en 2012. »
A Mayotte, presque tout est à bâtir pour la correspondante de l’ANLCI, Violaine Pauline Lempereur : « Il faut fédérer les grande associations, créer des partenariats avec la Ligue de l’enseignement », défend-il.
Le sous-préfet Guy Fitzer nous rejoint pour expliquer que l’aide à la parentalité et au soutien scolaire sera mise en place, « nous allons associer un professionnel à chaque association locale. Je compte demander des moyens supplémentaires pour cela. »
L’illettrisme ne doit pas être sous-estimée, et si elle manquait jusqu’à présent de moyens de l’Etat, peu de politiques locaux s’y engageaient à Mayotte. Huit communes sont partantes, des synergies ne peuvent que se créer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte