C’est un peu la roulette russe pour les familles comoriennes qui viennent à Mayotte y scolariser leurs enfants : ils ne seront pas forcément intégrés dans un établissement faute de place. Parfois livrés à eux-mêmes, le risque est fort de basculer dans la délinquance. Un schéma cru, qui débouchait sur l’adoption d’une motion en fin de séance.
Le dernier atelier de l’Association des Collectivités d’Outre-mer (ACCD’OM), portait sur « La lutte contre l’insécurité et la délinquance, une priorité pour Mayotte », et présidé par Sylvianne Terroatea, pour la Polynésie française. La salle des mariages de la mairie de Mamoudzou accueillait les congressistes qui découvraient les chiffres du ministère de l’Intérieur. Saint-Martin et la Polynésie française sont les plus touchés par les atteintes aux biens et aux personnes. Et Mayotte, parmi les plus épargnées… En décalage par rapport à l’image que renvoie notre île, comme le faisait remarquer le sénateur Thani Mohamed Soilihi.
Il livrait deux explications : « Les crimes perpétrés sur un territoire le placent en haut du tableau, contrairement à la petite délinquance, qui se multiplie pourtant da manière inquiétante à Mayotte. Et nous n’avons pas assez de statistiques pour considérer ces données comme fiables, en particulier sur le ressenti de la population, victime de ces agressions quotidiennes. »
En surcapacité avant même leur construction
Car le tableau du ministère rapporté par Nadhirou Moustoifa, DGA SG en charge de la sécurité à la mairie de Mamoudzou, est édifiant avec une hausse des vols avec violence de prés de 90% entre 2014 et 2015 sur sa commune, et des atteintes volontaires à l’intégrité physique de 58%. Les agressions de mineurs de moins de 15 ans explosent de 883% ! « Face à cela, nos effectifs sont insuffisants », rapportait le cadre, en rappelant les 14 policiers supplémentaires alloués par le Plan Cazeneuve, et les 26 agents de sécurité.
La commune réagit en mettant en place l’éclairage public, et la video protection, « dont le marché 900.000 euros pour 54 caméras a été lancé cette semaine, pour une installation en 2017 », et le CLSPD depuis 2011, le GLTD, qui ne suffisent apparemment pas.
Parce que le problème reste cette jeunesse dont l’abandon ne peut que croitre : « Nous scolarisons 14.679 enfants, mais 3.100 ne sont pas inscrits en maternelle, et 1.218 en primaire. Les deux écoles en prévision, T24 à Tsoundzou pour la prochaine rentrée, et T29 à Kawéni-Hamaha en 2018, sont déjà en surcapacité avant même d’être construites ! » Conséquence, les établissements ne peuvent stopper les rotations, le partage des salles de classe.
« Le vide sidéral de la part de l’Etat »
Des chiffres qui faisaient réagir le député Ibrahim Aboubacar, « cela fait 28% d’enfants non scolarisés, c’est catastrophique ! »
Bacar Ali Boto, le 1er adjoint au maire, s’explique : « Avec notre croissance démographique liée notamment à la pression migratoire devenue quotidienne, quelques soient les politiques publiques mises en place, nous seront toujours dépassés par la réalité. Tous les jours nous devons scolariser des enfants, alors que le manque de 500 salles de classe place nous impose la rotation. Il y a un lien direct entre la délinquance juvénile que nous connaissons, et l’arrivée massive de personnes. Car on ne naît pas délinquant, ni violent, c’est le contexte qui vous rend comme ça et qui fabrique des délinquants. »
L’adjointe à la maire de Chirongui évoquait les conséquence de la multiplication de la petite délinquance : « Les médecins ont fui avec leur famille qui se sentait en insécurité. Les profs et les entrepreneurs aussi, c’est un frein pour Mayotte. »
Une situation intenable pour les autres ultramarins présents, dont le porte-parole de la Guadeloupe : « C’est le vide sidéral au niveau infrastructure ici en raison de l’absence d’intervention de l’Etat. C’est lui qui gère les frontières, c’est à lui de construire des écoles. La politique de la ville vient pour compenser les déficiences du droit commun, qui n’existe déjà pas à Mayotte. Il faudrait un plan Marshall ici ! »
La vice-présidente de l’ACCD’OM proposait une motion « pour demander à l’Etat de répondre à ses devoirs régaliens ». Approuvée, elle sera remise le 24 octobre au ministère des Outre-mer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte