Le CS MARAM, de la compagnie e-Marine a fait son entrée dans le lagon vendredi matin à 5 heures. A pas lent, presque sans sillage, il était difficile de ne pas l’apercevoir puisqu’il naviguait à 1 nœud, « aussi vite qu’un petit nageur ! », lançait un des scientifiques embarqués. Il faut dire qu’il avait une cargaison précieuse destinée à une haute mission : celle de la pose du câble sous marin entre Moroni (Grande Comore) et Mayotte.
C’est la sécurisation de notre connexion internet, prévue depuis 5 ans maintenant, qui est en jeu et qui permettra de ne plus avoir de rupture de connexion en cas de dysfonctionnement de LION 2 qui nous relie à La Réunion, et qui nous a connecté en haut débit depuis 2012.
Le projet est conduit par Comores Télécoms, avec STOI comme partenaire pour Mayotte Il s’agit de connecter le câble AVASSA de Comore Telecom, relié à Eassy depuis l’Afrique de l’Est, jusqu’à Mayotte. Il y a donc depuis ce week-end deux câbles qui « beachent » à Majicavo Koropa : LION2 et AVASSA.
Slalom corallien
STOI se repositionne donc sur un marché où il fut le précurseur, avec du haut-débit par satellite avant 2012. Il va sécuriser le câble pour les opérateurs de l’île à qui il louait une bande passante. Et rentabilisera son investissement lors des bascules automatiques vers cette nouvelle ligne.
Un projet international pour un équipage qui ne l’est pas moins, puisque nous sommes accueilli par le commandant Gamal A. Mahdi, originaire des Emirats Arabes unis, et le Soudanais chef de projet Ghani Babikir. Ce n’est pas fini puisque Comores Télécom a choisi le chinois Nuawei Marines Networks pour mettre en œuvre le projet.
Eli Tahchi, Chef de projets chez EGS, qui représente STOI, connaît cette portion nord du lagon comme sa poche, puisqu’il était embarqué sur le Survey Ridley Thomas en mai dernier pour l’opération de reconnaissance des fonds, « avec un tracé de câble qui épargne un corail en bon état à Mayotte ». D’ailleurs la DEAL et le Parc Naturel Marin ont embarqué eux aussi ce vendredi matin, « nous vérifions si tout a été mis en place sur la surveillance des baleines », explique Jeanne Wagner, PNM.
Avancée en crabe
Sur ce chapitre, Marc Chenoz, directeur de l’agence Setec In Vivo, a monté pour STOI le dossier loi sur l’eau et l’AOT sur tout le domaine public maritime, « je pars d’ailleurs plonger sur le site de la plage de Majicavo Koropa pour prépositionner les bouées de passage du câble sur le récif frangeant », lance-t-il en attrapant son matériel. C’est lui qui assurera le suivi des travaux, dans 6 mois et dans 2 ans.
Le bateau est flambant neuf, c’est un bijou de technicité qui est sorti cette année des chantiers des Emirats Arabes Unis : « Nous allons nous maintenir toute la nuit immobile sans ancre, grâce au positionnement dynamique DP classe 2 », explique le commandant Mahdi. Les écrans suivent au centimètres prés le tracé du bateau dessiné par la mission de repérage en mai, « avec une précision de 30 cm, pour un bateau qui fait 120m, c’est pas mal ! », souligne Eli Tahchi.
Qui nous raconte la première embuche aussitôt arrivé dans le lagon : « Le tracé que nous avons défini, et validé par la DEAL, passait à 70m des hauts fonds de la bouée Vaucluse. Il a donc fallu pivoter le bateau, qui a avancé de travers pour déposer le câble sur le bon emplacement. » Il ne s’agit pas seulement d’épargner les patates de corail, mais aussi le câble LION2 positionné au fond : « Nous devons respecter une distance de 3 fois la hauteur d’eau », et donc une distance de 30m pour une profondeur de 10m. Un drone filmait le passage délicat.
Ne pas mettre le câble sous-pression
Pendant les interviews, difficile de percevoir l’avancée du navire qui aura déroulé environ 260km de câble au total sur le tracé Moroni-Chindini (sud de Grande Comore)-Anjouan-Mayotte, depuis des bobines géantes, « trois, d’une capacité totale de 8.000 km ». Dans ses entrailles, une fourmilière s’agite, les yeux rivés sur des écrans, des techniques de pointe sont utilisées pour contrôler en permanence la tension sur le câble, « s’il est trop compressé, il faut revenir en arrière », et le bon état de fonctionnement des fibres : « Il suffit que le câble se plie sur moins de 2m pour les endommager à l’intérieur, malgré la double armature. » C’est Ali Ahmed, le commandant en second Egyptien, qui nous guide dans les coursives.
C’est la première mission de pose pour le CS MARAM, qui a déjà travaillé sur deux réparations de câbles. Il utilise dans ce cas une espèce de bras mécanique hydraulique miniaturisée, le ROV* « mon jouet préféré ! », s’agite Eli Tahchi. Un engin de chantier sous-marin envoyé au fond pour couper la partie endommagée, remonter les deux extrémités à reconnecter, et repositionner le câble au fond, « l’opérateur du ROV prend la direction des opérations sur le commandant », rajoute-t-il l’œil pétillant.
La durée de vie d’un câble sous-marin est de 25 ans. Il sera enlevé pour être recyclé sur le réseau terrestre, ou laissé sur place, « c’est un substrat solide où se fixe le corail », souligne le scientifique.
En arrivant prés de la plage, c’est la barge confectionnée à bord qui va prendre le relai pour déposer le câble… dès que la tractopelle de Colas qui devait creuser la souille aura refait surface, puisqu’elle était sous l’eau ce vendredi soir… (Photos ci-dessous)
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*Remotely Operated Vehicle (Véhicule manœuvré à distance)