Avec un seul maire élu sous l’étiquette PS, à Acoua, et un 1er secrétaire local qui a gouté à la détention provisoire en 2015 en lien avec les municipales, c’est un parti socialiste mahorais sinistré qui attendait Jean-Christophe Cambadélis, un peu à l’image de son quotidien métropolitain d’ailleurs, et il en convenait : « Tant que la gauche locale sera divisée, les élus n’arriveront pas à s’imposer. La même division que nous connaissons en métropole d’ailleurs, en plus accentuée. » Il soulignait malgré tout que « faute de maires socialistes, nous avons plusieurs parlementaires. »
Il pouvait toujours se consoler avec l’adhésion au parti ce mercredi de la maire de Chirongui, Hanima Ibrahima. « La fédération locale travaille à sa réorganisation. Ils doivent travailler sur les pistes traitant du destin de Mayotte, ce n’est pas uniquement le rôle de l’Etat. »
L’Etat justement a été pointé du doigt notamment par la Cour des Comptes pour ne pas accompagner Mayotte à hauteur de ses besoins : « Mais justement, quels besoins ? Avant de mettre les moyens, il faut les flécher. C’est après qu’on contractualise. Car on peut s’interroger ici sur l’efficacité de certaines politiques publiques. C’est aux habitants, au parti, aux parlementaires et aux élus, de proposer cette évaluation. On critique le préfet, mais certains ne font rien. L’Etat peut avoir des torts, mais il faut arrêter de se cacher derrière un immobilisme. On se dit, ‘de toute façon, les mahorais en veulent à l’Etat’, et on ne fait rien… Le conseil départemental, c’est ‘le fantôme de l’île’ ! » L’exécutif à majorité LR appréciera.
« La décentralisation, c’est comme la bicyclette »
Une pique qu’explique le député PS Ibrahim Aboubacar, à ses côtés : « Tout le monde, et notamment le Medef, a demandé à Jean-Christophe Cambadélis d’intervenir pour résoudre la situation au port, alors que la décision revient au conseil départemental. »
Quant aux erreurs d’une départementalisation qui donnerait aux élus une compétence qu’ils n’ont pas toujours, le 1er secrétaire national du PS dresse un parallèle avec la pratique de la bicyclette, « c’est l’équilibre le plus compliqué, et on l’obtient en pédalant. » Et si l’on n’a pas appris à pédaler, il faut au moins essayer selon lui, « avec l’aide de l’Etat c’est sûr, pour faciliter la convergence vers les standards nationaux et européens, et former quand c’est nécessaire. »
Il aura rencontré les syndicats patronaux et de salariés, les militants, pour évoquer la politique volontariste de ce gouvernement pour Mayotte, sans s’y étendre tant les manquements détaillés par la Cour des comptes sont nombreux, la loi égalité réelle, « les ponts à mettre en place pour les adaptations sur le code du travail », et évidemment, des flux migratoires.
« Un aménagement du droit du sol est à l’étude à Mayotte »
Sur ce sujet, Jean-Christophe Cambadélis a évoqué le travail en cours du député Aboubacar, sur le droit du sol, « ce ne sera pas une remise en cause, mais un aménagement, certainement basé sur le code de la famille », rapporte-t-il.
Une position peu habituelle pour un 1er secrétaire national du parti socialiste, qui est interpellé par les médias sur un parallèle éventuel avec la situation nationale : « C’est un problème spécifique à Mayotte. Nous n’avons pas le même rapport de flux migratoire à la population. Et à Calais, nous avons des centres d’orientation des migrants, un système sanitaire à niveau. Ici, ça s’apparente à la situation allemande, mais sans les moyens. Il faut donc que l’Etat se mobilise davantage », convient-il.
La saillie de François Hollande appelant pour le parti qui l’a porté au pouvoir à un « acte de liquidation », fin 2015, « Il faut un hara-kiri», qui vise son 1er secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis préfère la replacer dans un contexte électoral, « il faut en effet que l’ensemble des forces socialiste apprennent à dépasser le PS s’il on veut gagner ».
Un peu comme à Mayotte d’ailleurs, où il invite toutes les forces, et elles sont nombreuses à gauche pour ne parler que du Parti social mahorais ou du Nema, à se rassembler : « Il faut une ligne propre à la gauche à Mayotte. Son 1er secrétaire Moula Issouf Madi et Ibrahim Aboubacar présenteront ce projet en février devant l’ensemble de la gauche à Paris. »
Il laisse donc du travail du soir aux élus et militants locaux, pour initier une force de proposition socialiste locale.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte