C’est un autre langage politique qui va entrer dans vos oreilles et que vous allez découvrir jusqu’à la présidentielle. Rien de convenu, et si le parti Union des Démocrates Musulmans français (UDMF) bouscule nos habitudes, il vaut qu’on prenne le temps de s’arrêter et de réfléchir à ses propositions.
Il nous offre une première déjà, puisque jamais un parti national n’avait nommé un candidat habitant notre île pour le représenter à une élection présidentielle. Kamel Messaoudi, fondateur et du premier cabinet d’imagerie médical à Mayotte, où il habite depuis 13 ans, nous avait annoncé en mai qu’il serait candidat aux législatives à Mayotte dans la 1ère circonscription, le voilà qui se prépare à candidater pour la plus haute investiture. Avec un objectif : interpeller la Nation sur des incohérences concernant l’ensemble du peuple de France, et notamment proposer un projet politique, tourné vers une éthique musulmane sur l’ensemble du pays.
Les inégalités entre les femmes et les hommes, ils s’attaqueront à tout, mais en premier lieu aux discriminations contre les musulmans. Cette année qui a connu en France des attentas sanglants, a été le prétexte à amalgames, reportant la barbarie de Daech à l’ensemble des citoyens de confession musulmane. Le nombre des actes islamophobes a triplé depuis ces attaques, ils veulent donc incarner un sursaut républicain. Et, en somme, redonner de la dignité aux musulmans de France.
« Aucun pays n’a fait plus pour les musulmans que la France »
L’Union des Démocrates Musulmans français (UDMF), a été créée en 2012 par un déçu du socialisme Nadjib Azergu, qu’a rejoint en 2015 Kamel Messaoudi, un déçu de la droite LR. Leur premier combat porte sur les droits des étrangers sur le territoire national : « Nous sommes pour le vote des étrangers à des élections locales sous réserve de 3 ans de présence sur le sol français, mais contre les droits sociaux sans engagements financiers, qui pourraient être déposés dans une caisse du peuple. C’est le cas en Australie, où 3 ans de cotisation à la société sont exigés, ou en Suisse où il faut rembourser la dette des aides sociales à la société dès qu’on est sorti de la précarité. » Une sorte de concrétisation d’un engagement moral.
Leur slogan, « La France, je l’aime et je l’améliore », en contraste avec le « tu la quittes », de Sarkozy : « Aucun pays dans le monde n’a fait plus pour la communauté musulmane que la France, y compris ceux qui sont à majorité musulmane », soutient Kamel Messaoudi, originaire d’Afrique du nord, et à la double nationalité, franco-comorienne.
« Se connaître pour connaître l’autre »
Cet axiome posé, ils partent en guerre contre une laïcité qui va à l’encontre de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « notamment la loi de 2004 interdisant le foulard à l’école que Jean-Jacques Ayrault avait tenté d’abroger, s’oppose à l’article 18*. Il n’y a pas de laïcité vestimentaire. Il y a une différence entre le lieu étatique et le lieu public, et entre les personnes qui le portent. Un élève devrait avoir le droit de porter la kippa, un enseignant non, puisqu’il est fonctionnaire. »
Il s’interroge : « Qui persécute le plus actuellement ? On crée des discriminations en fonction du nom. Mais je ne peux pas être moins Kamel pour être plus français. Je porte une mémoire, une culture. Si je ne me connais pas, je ne peux pas connaître l’autre. La laïcité permet de protéger le pouvoir de la religion, et de ne pas toucher aux fondamentaux de la République. Ici, le kishali** ne pose pas de problème. Il ne faut donc pas craindre les signes religieux, qu’ils soient catholiques avec une croix ou musulmans. »
Et il sait de quoi il parle Kamel Messaoudi puisque, bien que musulman, il se rend fréquemment le dimanche à la messe. « Au lendemain de l’assassinat du père Hamel, j’ai d’ailleurs proposé d’organiser des nettoyages de l’Eglise par les jeunes de Kawéni. » Quartier qu’il connaît pour y être vice-président d’une association « Solidarité Islamique ».
« Canaliser la haine »
Les 500 signatures nécessaires pour être candidat à la présidentielle, seront difficiles à obtenir auprès des 36.000 maires qu’ils ont contactés, « mais nous pouvons le faire. » Quant à la représentativité, il évalue le nombre de français de confession musulmane entre 6 à 8 millions. « Mais ce n’est pas notre unique public, nous recherchons avant tout une ouverture d’esprit. »
Lorsqu’on l’interroge sur un risque éventuel d’adhésion d’extrémistes, il prend le problème à l’envers : « Cette haine, cette tristesse qui se lit dans les quartiers, facteurs d’exclusion de certains habitants, se traduit par le l’agression ou de la radicalisation. Nous allons la canaliser en leur offrant un chemin politique. Je pars du religieux, et j’arrive à la laïcité.
Le courrier adressé aux maires est accompagné d’une « Lettre à la France », qui reprend des extraits de celle écrite par Emile Zola en 1898 de dénonciation de l’antisémitisme d’alors…
Celui qui a été désigné « à mains levées » par son parti, demande aux grands partis politiques « de nous donner le droit d’être présents au 1er tout pour dé-islamiser le débat politique pour enlever le voile de la haine et de la peur. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Article 18 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
** Le kishali est le voile en tissu, généralement assorti au salouva, que portent les Mahoraises sur la tête ou les épaules
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