« Quand vous voulez aller à Paris, vous achetez un billet, pas un avion. Et bien, le raisonnement est le même pour l’économie de fonctionnalité, une des branches de l’économie circulaire. Il s’agit d’acheter par exemple une machine à laver à plusieurs, en éco-partage », explique Antoine Courtin, Ingénieur déchets à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) Mayotte.
L’objectif de l’économie circulaire, qui est aussi sociale et solidaire, et de répondre à un double objectif : réduire la production de déchets et accroitre leur valorisation. Avec comme résultat final, donner le moins de déchets possible au centre d’enfouissement de Dzoumogné.
Et chacune des étapes dégage en plus une valeur économique et donc des emplois. « Vingt porteurs de projets d’économie circulaire sont déjà accompagnés à Mayotte », souligne Alexandre Kesteloot, Responsable service développement durable et environnement à la CCIM, qui présentera lors de cette semaine son Mayutopie, qui leur est destiné, avec la présence d’experts dans ce domaine. (Voir le programme-forum)
La France retardataire
Un chercheur en économie circulaire avait été convié ce lundi matin, qui tenait un langage de… chercheur. Un peu abscond par moment, mais Laurent Goergeault, chargé de mission à l’Institut d’économie circulaire, a su fournir de nombreux exemples parlants, encourageant la démarche dans laquelle s’engage Mayotte.
Sans gros retard par rapport au territoire national… Contrairement à l’Angleterre, « qui dès 1790 s’intéresse au développement durable, à la suite du questionnement de Balthus sur la problématique de la ressource », d’une population mondiale qui croit, et des ressources qui ne suivent pas la même progression… « Cela fait 40 ans que la France s’y penche. »
Tout d’abord, on s’intéresse au cycle de vie des produits. « La réglementation impose à chaque entreprise de tenir un registre des déchets et de justifier leur départ pour la décharge, et de prouver qu’elle ne peut le réutiliser. » Il se dit que pour 10.000 tonnes de déchets en fin de vie, à enfouir, il se crée 10 emplois, contre 250 s’ils sont recyclés. A prouver, selon le chercheur, mais encourageant néanmoins.
Les batteries d’Apple non réutilisables
A partir de la connaissance de ce cycle de vie, on peut adapter sa production en objets éco-conçus par exemple : « Rendre les objets démontables et réparables. Ce que ne fait pas Apple par exemple qui soude ses batteries pour les rendre non réutilisables. En facilitant le démontage, on permet la réparation ou le recyclage. Ce que fait SEB en revanche, en proposant ses pièces détachées. »
Il faut ensuite être convaincu qu’acheter d’occasion n’est pas dévalorisant : « Fana de jeux vidéo, j’ai acheté le jeu Battlefield 2 à 4 euros seulement ! Les collectivités peuvent organiser des vides-greniers, monétisés ou non, pour qu’un même bien tourne entre plusieurs mains. » Laurent Goergeault ne comprend pas pourquoi il n’y a pas de bibliothèque à outil, comme il en existe pour les livres, « nous utilisons notre perceuse 8 mn par an en moyenne. »
Nous sommes dans ce qu’il appelle « l’économie de la fonctionnalité » : « Nous achetons désormais l’usage, plus le produit. C’est ce que fait Michelin lorsqu’ils vendent des pneus au kilomètre roulé, en assurant l’entretien, le gonflage et le recyclage avant que le pneu ne soit totalement hors d’usage. »
Synergie entre les entreprises
Ensuite, il faut savoir reconditionner. A Mayotte, deux jeunes ont lancé Big Réparations à Acoua, de récupération de matériel informatique et électronique, « avec 2 ou 3 machines, j’en fabrique une autre », avaient-ils expliqué lors d’un forum à la CCI.
Pour boucler vraiment le circuit de l’économie circulaire, les entreprises doivent se connaître mutuellement et s’entendre : « En métropole, une entreprise faisait venir du gypse d’Espagne pour fabriquer ses Placoplatres, alors qu’à côté, une centrale en générait et cherchait à s’en débarrasser. » L’institut d’économie circulaire a alors mis en place un programme de synergie inter-entreprises.
Ainsi, Arcelor, dont la chaleur dégagée par les usines « chauffait les petits oiseaux », fournit 30% de chauffage de la ville de Dunkerque. Intéressant à Mayotte où le Sieam avait déjà il y a 3 ans des velléités de récupération de la chaleur des cheminées de la centrale d’EDM, dans la perspective des 50% d’énergie renouvelable que notre île devra fournir en 2020.
Tous ces secteurs comme l’économie de fonctionnalité, existaient à l’état confidentiel bien souvent, et seuls les bas salaires y avaient recours, par nécessité. L’économie circulaire, on la pratique parfois sans le savoir. Elle doit devenir notre modèle si nous voulons rétablir un équilibre d’évolution planétaire cohérent.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte