Nous avions fait un point le mois dernier avec le député Ibrahim Aboubacar sur les inscriptions au budget des 10 engagements de Manuel Valls . A deux budgets, plus exactement : le projet de budget rectificatif 2016 qui intègre les avancées promises pour cette année, et le projet de loi de finances 2017, qui inscrit les dépenses à venir.
Plusieurs engagements ont été tenus, comme l’indexation des dotations sur la croissance démographique, ou la compensation de la compétence région de notre collectivité, quoique insuffisamment évaluée à 800.000 euros.
Le député nous avait fait part de sa vigilance pour tous les points liés à la fiscalité qui devraient permettre à Mayotte de retrouver une pression fiscale juste et équitable. Et il avait raison.
Un communiqué intitulé « le Gouvernement refuse de respecter les engagements pris par Manuel Valls », et cosigné par les présidents du conseil départemental et de l’Association des Maires de Mayotte (AMM) alertait ce samedi les médias sur l’impression que « Bercy fait preuve d’aveuglement et maintient une position défavorable aux intérêt de Mayotte et contraire aux valeurs républicaines. »
Blocage du secrétariat d’Etat au budget
Des mots durs qui font suite à l’incompréhension qui domine ici, face au travail mené par les élus mahorais qui ont fait front commun, et qui s’est traduit par les production de deux amendements de la part des maires, l’un sur la valeur locative, l’autre les exonération de transmission de propriétés dans le cadre de la régularisation foncière, et que les conseillers départementaux ont voté deux motions, l’une sur une dérogation fiscale, l’autre sur l’application des mesures préconisées par la mission sénatoriale.
Qui se sont trouvés face à un blocage du gouvernement, « en la personne de son Secrétaire d’Etat au Budget », Christian Eckert, selon le président de l’AMM Saïd Omar Oili et le président du CD Soibahadine Ibrahim Ramadani. Auquel aurait tenté de résister Ibrahim Aboubacar. les deux têtes d’exécutifs parlent de position défavorable aux intérêts de Mayotte et conraire aux valeurs Républicaines.
Ibrahim Aboubacar détaille pour le JDM son combat au travers les 4 amendements déposés au projet de loi de finances rectificative 2016 : « Les 2 premiers portaient sur la valeur locative, mais si le gouvernement est favorable à l’idée de diminuer la pression fiscale à Mayotte, il ne l’envisage que sur la taxe d’habitation. J’ai donc déposé un amendement pour inclure la taxe foncière, et, à défaut, pour baisser la valeur locative. »
Mayotte s’inspire de la Corse
Autre combat : pour faciliter la régularisation foncière, les maires et conseillers départementaux avaient pris des motions d’exonération des droits de successions, comme c’était le cas quand le Conseil général gérait la fiscalité, avant l’application du droit commun. Mais les propositions produites par les élus mahorais doivent être réécrites, « trop larges, trop générales ». Une copie qu’ont aussi du revoir les Corses qui ont le même problème, « je me suis donc inspiré de leur travail. Si le conseil constitutionnel (CC) le valide pour la Corse, pourquoi pas pour Mayotte ?! », glisse Ibrahim Aboubacar. La balle est dans le camp du gouvernement qui doit inscrire une mesure qui ne risque pas d’être retoquée par le CC.
Le 4ème amendement c’est un peu la cerise sur un gâteau empoisonné. Il porte sur l’implication de Manuel Valls en faveur des recettes des communes Mahoraises. Le premier ministre leur avait assuré de recevoir la quasi totalité du produit de l’octroi de mer (en dehors de l’octroi de mer régional) d’ici trois ans, comme cela se fait ailleurs. Il s’engageait à compenser la perte pour le conseil départemental qui en perçoit actuellement les trois-quarts.
Un vase communiquant qui vide les poches du Département
Or, le gouvernement vient de déposer un amendement où il se désengage d’une compensation, « pour prendre les 42 millions d’euros et les 9,6 millions annuels, alloués à l’Aide sociale à l’Enfance, et acté dans l’article 1 du Projet de loi de finances. » Outre que ces 42 millions d’euros sont destinés à prendre en charge les mineurs non accompagnés du territoire, ils avaient été annoncés comme un juste remboursement des dépenses que le département avait engagées depuis 2009 sur des compétences qui n’étaient pas les siennes.
Que n’aurait-on pas dit si les élus avaient détourné cette somme ?! Les commentateurs acides des réseaux sociaux s’en seraient donnés à cœur joie. Or, c’est précisément ce que fait le gouvernement. Alors qu’il avait jusqu’à présent pris la juste mesure du manque d’accompagnement par le gouvernement Fillon de la départementalisation de Mayotte, appuyé il faut le dire par les critiques de la Cour des Comptes, le voilà qui commet les mêmes trahisons. On doit là encore au député Aboubacar le dépôt d’un amendement « pour demander une vraie compensation de l’octroi de mer. »
Ce ne sont pas des répliques du remaniement ministériel, « ce sont des arbitrages pris par le cabinet de Manuel Valls lorsqu’il était premier ministre », indique Ibrahim Aboubacar.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte