Le texte sur l’égalité réelle continue son parcours au parlement. Après l’Assemblée nationale, le voici au Sénat. La ministre des outre-mer Ericka Bareigts l’a défendu, hier matin au Sénat, devant la commission des lois. Si pour les 4 DOM historiques, l’objectif est d’accélérer l’harmonisation avec la métropole, pour Mayotte l’heure est encore au grand rattrapage.
La ministre parle de «retards inacceptables, qui ne seraient tolérés dans aucun des départements métropolitains». Niveau de richesse, taux de chômage, décrochage scolaire… Quel que soit l’indicateur, les Outre-mer en général et Mayotte en particulier sont encore très loin de l’Hexagone. Notre département a par exemple un niveau de vie plus de quatre fois plus bas que dans l’Hexagone… de quoi justifier «l’urgence unanimement ressentie à améliorer les conditions de vie».
Ericka Bareigts est donc revenue sur les «grands axes» du projet de loi. Il initie d’abord «une nouvelle logique de développement économique, social et culturel pour les 20 prochaines années sur la base des plans de convergence». Les acteurs locaux seront appelés à construire, en partenariat avec l’Etat, «des politiques publiques différenciées en fonction des spécificités et des priorités de chaque département ou collectivité d’Outre-mer».
Le rattrapage social
Meilleure intégration régionale, harmonisation des prestations sociales sur celles de l’Hexagone, valorisation des productions locales, possibilité de réserver jusqu’à 1/3 des marchés publics aux PME locales, nouveau dispositif d’aide au fret, péréquation en matière de tarifs postaux pour supprimer les surcoûts… les mesures concrètes sont nombreuses.
Dans le domaine social, les montants du complément familial seront, d’ici à 2020, progressivement alignés sur les montants hexagonaux, «soit concrètement 72 € à 94 € supplémentaires par mois, à terme, pour près de 34.000 familles». Les plafonds de ressources seront alignés dès 2017.
Pour les petites retraites, un premier élargissement de l’Assurance Vieillesse Pour les Parents au Foyer (AVPF) a été acté. Il permet de rendre éligibles les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et de la Prestation Partagée d’Education de l’Enfant (PREPARE), en 2017 et 2018. «Ce sont, à ce stade, 5.000 personnes supplémentaires qui pourront bénéficier de l’AVPF et voir à terme leurs pensions de retraite augmentées jusqu’à 20% de plus», indique Ericka Bareigts.
Pour les indépendants et les fonctionnaires
Les employeurs et travailleurs indépendants des DOM percevront par ailleurs, dès l’an prochain les prestations familiales comme tous leurs collègues de l’Hexagone.
Concernant la Fonction publique, le projet de Loi prévoit l’extension de l’application du critère du Centre des Intérêts Matériels et Moraux des fonctionnaires ultramarins (CIMM) issu de la loi déontologie du 20 avril 2016. Les attaches à un territoire d’un fonctionnaire d’Etat dans une collectivité ultramarine seront élevées au rang de critère prioritaire au titre du CIMM.
On trouve également d’autres mesures en matière d’égalité femme-homme et de lutte contre les discriminations, pour l’habitat, ou encore le développement durable avec des dispositions en faveur d’une économie plus circulaire.
Lutte contre la vie chère à Mayotte
De nombreuses dispositions ciblent précisément Mayotte, nous avons déjà eu l’occasion de les évoquer.
Sur le commerce, les grandes et moyennes surfaces seront amenées à négocier un tarif professionnel pour leurs activités de gros. A défaut, celui-ci pourra être fixé par un arrêté préfectoral pris après consultation de toutes les parties concernées. «Dans l’immense majorité des cas, la discussion suffira: seule une minorité de cas devrait être concernée», estime la ministre.
«Il ne s’agit pas d’une mesure « d’économie administrée », comme j’ai pu l’entendre ici ou là, mais d’une mesure incitative forte pour renforcer la lutte contre la vie chère. Car l’une des difficultés pour obtenir une modération des prix des commerces de détail réside dans le fait que les petits commerçants (doukas à Mayotte) sont très souvent tenus de s’approvisionner auprès des grandes et moyennes surfaces. Celles-ci se trouvent en situation d’oligopole et refusent, trop souvent, de pratiquer un tarif de gros à l’égard de ces petits commerces.»
Famille et éducation
A Mayotte, le rythme de convergence des allocations familiales vers les montants pratiqués dans les autres DOM sera accéléré d’ici 2021. Le complément familial et le complément de l’Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé seront par ailleurs mis en place, comme la convergence des allocations logement.
La scolarité obligatoire sera étendue de 3 à 18 ans (au lieu de 6 à 16 ans) à compter de la rentrée 2018 pour favorise la lutte contre l’échec et le décrochage scolaires. Les échanges scolaires effectués dans le bassin régional des Outre-mer sera facilité grâce à la réallocation du fonds dit FEBECS (Fonds d’échanges à but Educatif, Culturel et Sportif).
Des cadres pour Mayotte
Un dispositif «Cadres d’avenir», spécifiquement activé pour notre département, offrira la possibilité de suivre des études dans des établissements supérieur dans l’Hexagone ou à La Réunion, à condition de revenir travailler à Mayotte par la suite.
Des mesures devraient également concerner le foncier. «Nous avons engagé des discussions avec M. le sénateur Thani Mohamed-Soilihi pour traduire certaines de ses recommandations dans le cadre du projet de loi», a indiqué la ministre.
Alors que François Hollande avait acté le principe de cette «égalité réelle» en novembre 2014, Ericka Bareigts a souligné l’ampleur de travail et des concertations engagées depuis, pour parvenir à ce texte «en un temps record». L’examen du projet de loi en séance au Sénat est prévu pour le mois prochain.
RR
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