C’est une liste digne des sept plaies d’Egypte qui semble accabler la rentrée scolaire que connait Mayotte en ce début janvier. Les crises se rajoutent aux grèves, les incivilités aux robinets sans eau courante, la sous-dotation en personnel aux conditions matérielles parfois inacceptables… le tout dans une cacophonie locale et un grand silence parisien.
Les syndicats sont comme l’ensemble de la population, stupéfaits face à une telle avalanche de désordres, qu’ils dénoncent chacun à leur façon.
Commençons par la grève dans le 1er degré. Face à un mouvement social exceptionnellement long, le gouvernement ne consent toujours pas à reconnaître les carrières de fonctionnaires pourtant effectuées au service de l’éducation mais sous un régime et dans un cadre bien différent de celui de la fonction publique actuelle. Sans explication sur ce que coûterait à la Nation la reconstitution de ces parcours professionnels atypiques, le gouvernement prend le risque d’entretenir une rancœur et un profond sentiment d’injustice. Il se traduisait jusqu’à présent par des blocages d’écoles. Nous en sommes maintenant à des actes de dégradations pour empêcher leur ouverture. A Mtsamboro, le maire a tranché. Les écoles seront fermées pour ne pas risquer de voir les serrures des portes à nouveau vandalisées.
Logiquement, le SNUipp souffle sur les braises, sûr de sa cause. Le Syndicat Autonome des Enseignants de Mayotte (SAEM) et la Fédération Autonome de l’Education Nationale (FAEN) appellent, encore et toujours, à faire de cette nouvelle année, celle de «l’égalité entre les ex-instituteurs du cadre territorial de Mayotte et leurs homologues de métropole et des autres DOM.» On ne la voit pas venir.
De l’eau dans le second degré
Depuis un mois s’est ajoutée la crise de l’eau et ses coupures. Elle n’avait pas encore affecté le fonctionnement de l’éducation, période de vacances oblige. Mais à cinq jours de la rentrée, surprise : le comité sécheresse annonce un report pour jeudi de la rentrée dans les établissements du sud. «Pourquoi jeudi», se demande très justement le SNES. «Les conditions de sécurité seront-elles alors réunies?» On ne le sait pas encore. Une chose est sûre, à Dembéni et Sada, les portes des écoles resteront fermées comme l’ont décidé les deux municipalités, jusqu’au retour de l’eau courante.
L’Unsa Education note tout de même que la situation semble avoir mieux été anticipée dans les collèges et les lycées. Le syndicat constate que, «le vice-Rectorat s’est activé pour faire en sorte que l’accueil des établissements du 2nd degré soit assuré».
Comment gérer 1000 élèves sans eau à la maison?
«Hormis la SEP de Chirongui et le collège de Ouangani (…), tous les autres établissements seront pourvus en eau, soit par le circuit d’adduction en eau potable, soit par un ravitaillement en eau par bouteilles fournies par le vice-Rectorat et des réservoirs d’eau pour les sanitaires», explique l’UNSA qui met tout de même en garde face aux «risques sanitaires réels à moyen terme».
«Quand des élèves n’ont pas accès à l’eau 2 jours sur 3 chez eux, comment peut-on gérer dans un établissement de plus de 1000 élèves une hygiène corporelle sans doute aléatoire pour beaucoup? La vigilance et la solidarité de tous seront donc de mises. Au regard des comportements solidaires observés dans les communes du sud, tout laisse à penser que l’entraide ne sera pas un vain mot. Mais cela ne suffira sans doute pas forcément sur du moyen terme».
Et toujours les mêmes difficultés
Quant au rattrapage annoncé des journées de cours perdues, le SNES trouve la démarche «inacceptable», l’UNSA juge la mesure «très difficile pour des établissements surpeuplés».
Surpeuplés les établissements de Mayotte ? C’était justement le message porté par la CGT Educ’action dont le communiqué de rentrée parachevait le tableau.
Le syndicat regardait sans détour «vétusté et manque d’hygiène de nombreuses écoles», «climatiseurs ou ventilateurs absents ou en panne pendant des mois, salles régulièrement inondées, planchers pourris… Le manque d’équipement est également criant : réseau informatique fonctionnant très mal ou par intermittence, parc machine au trois quart inutilisable ou dangereux dans les LP industriels, manuels scolaires inexistants ou en nombre restreint…»
La CGT souligne aussi qu’il faut faire avec «l’absence de restauration digne de ce nom» qui génère «immanquablement fatigue, démotivation, violences et échec scolaire.»
Des personnels dévoués
Bien sûr, le syndicat souligne, «devant ces difficultés multiples, le dévouement et le professionnalisme des personnels»… trop peu nombreux. «Dans le second degré, l’écart de dotation en personnels enseignants par rapport à la moyenne des académies est supérieur à 24 % (à titre comparaison, l’écart de dotation constaté en Guyane est de 2.53%).»
«En collège, la moyenne est de 24.9 élèves par classe pour 28 à Mayotte, alors même que tous les établissements sont prétendument classés en éducation prioritaire (mais le taux de redoublement est à Mayotte le plus faible de France…)», note la CGT.
«Trop de défaillances nuisent au service d’éducation à Mayotte», rajoute l’UNSA. C’est effectivement le moins que l’on puisse dire en ce début janvier.
Mayotte attend la pluie. Et le beau temps, c’est pour quand?
Rémi Rozié
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