Le grand béninois s’apprête à accueillir ses invités lors des journées portes-ouvertes de son entreprise Lafarge Mayotte, à Longoni. Avant, il répond volontiers aux questions des journalistes.
S’il n’a véritablement pris les commandes au début de l’année 2014, la crise du Chrome VI l’a obligé à un aller-retour fin 2013 : « Je tiens à remercier la justice, la Dieccte et les services de contrôle de l’Etat, qui ont été efficaces. » Petit retour sur des évènements qui ont vu les deux importateurs de l’île, Lafarge et Ballou, s’affronter à coup d’analyses de leur ciment.
En août 2012, et sur demande de la Direction du travail (Dieccte), le préfet de Mayotte prend un arrêté d’interdiction d’importation de ciment, une teneur en Chrome VI supérieure à la normale, aurait été découverte. Elle peut provoquer chez ceux qui le manipulent, des problèmes respiratoires ou d’allergies.
Le mode de traitement de Chrome VI par sulfate d’étain est pointé du doigt par l’instruction, menée par le juge Hakim Karki, qui place le directeur et son second en garde à vue. Ils seront mis en examen, et le préfet, soupçonné d’avoir laissé faire par peur de rupture d’approvisionnement.
Non-lieu en 2016
L’épilogue, Brice Houeto nous le livre ce mardi matin : « Nous avons obtenu un non-lieu en 2016. » Les scellés avaient été levés en 2015, « mais le juge Karki les a maintenus 18 mois. Or, les analyses sur le ciment ne sont plus valables 6 mois après. » Il assure que le mode de prélèvement lors de l’instruction était contestable. Une mésaventure qui l’a incité à prendre une première décision : mettre en place le seul laboratoire à ciment de l’île, « opérationnel depuis mars 2016. » Le ciment en vrac en provenance de Malaisie doit être traité, « nous utilisons le même sulfate d’étain qu’avant la crise pour baisser le seuil de Chrome VI. »
En 2016, Lafarge a importé 55% des 90.000 tonnes de ciment qui sont arrivées sur l’île, se partageant le marché avec l’entreprise Ballou. Qui connaît une crise sociale depuis presque 2 mois, mais dont ne profite pas Lafarge, elle-même impactée par une autre crise, celle de l’eau. Avec un arrêté préfectoral qui interdit tout ciment de chantier : « Nous avons perdu 50 à 60% de chiffre d’affaires. Nous nous fournissons actuellement en ciment prêt à l’emploi qui n’est pas interdit, chez ETPC et IBS. »
Pas de licenciement pour l’instant
Lafarge Mayotte emploie 25 salariés en CDI, ainsi que des sous-traitants. Brice Houeto n’envisage pas de licenciement pour l’instant, « mais il ne faut pas que la situation s’éternise. » Les passages de navires pneumatiques qui livrent le ciment habituellement toutes les 7 semaines, s’espacent.
Les Journées Portes-ouvertes sont une occasion de dialogue, « nos partenaires nous font remonter leurs préoccupations, leurs demandes, comme celle portant sur des sacs qu’ils préfèrent en plastique plutôt qu’en papier. » Ce sont 70.000 tonnes de ciment qui sont vendus en sacs de 25kg, entre 4,10 euros et 4,30 euros pièce, « la concurrence a introduit des qualités de ciment différentes, nous nous adaptons. »
Jongler avec le ciment
Les maçons ont le choix désormais, et peuvent jongler avec 3 catégories, un « spécial béton », un « spécial crépissage », ou le « spécial parpaing », le tout est de savoir s’en servir : « Nous allons proposer une académie de maçons, qui pourront bénéficier d’une formation universitaire de professeurs d’IUT ou de lycée professionnels. »
Une montée en compétence d’autant plus nécessaire, que le marché évolue, et qu’il envisage la construction de demain comme « plus fine, avec des contraintes supplémentaires, comme une luminosité accrue dans les bureaux. »
Un autre produit d’avenir à Mayotte, c’est la brique en terre-cuite, mais moins dense en ciment que les parpaings. Une concurrente donc, mais encore petite, « les deux produits peuvent en effet se cannibaliser », avoue-t-il, en assurant être partenaire pour le développement de la petite brique en terre cuite mahoraise.
Un défi qu’a du mal à relever Lafarge, c’est celui de son implantation régionale, avec une opposition claire de Moroni à toute importation concurrentielle de ciment, qui avait accepté l’entreprise sous réserve de la construction d’une cimenterie. S’il dirige les deux sociétés, Brice Houeto préfère parler de deux identités sœurs,
L’entreprise, filiale de Lafarge-Holcim, a donc redressé la tête, en passant d’un chiffre d’affaires de 8,5 millions d’euros en 2015 à 12 millions d’euros en 2016, « c’est notre seule année pleine ! » Entre deux crises…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte