On aurait pu penser que la mobilisation pouvait aller de pair avec l’exaspération de la population, du sud comme ailleurs, à l’appel du Collectif de lutte contre la pénurie d’eau à Mayotte, mais il n’en a rien été. Ils étaient à peine une cinquantaine, « la place devrait être couverte de monde », se lamentait Balahachi Ousseni, qui avait abandonné sa casquette de syndicaliste pour endosser celle de porte-parole du mouvement.
Les présents sont les plus impliqués dans leurs localités respectives. « Nous demandons une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, car nos enfants ne vont pas à l’école par insuffisance sanitaire, alors que dans le nord, certains gaspillent », explique Ismaël Chanfi, également membre du Collectif de parents d’élèves de Sada, « nous savons bien que le préfet n’est pas responsable du manque de pluie, mais il faut trouver une solution au moins pour nos écoles. »
« Nous avons tous eu des diarrhées »
La maire de sa commune de Sada vient justement d’arriver, ceinte de son écharpe tricolore. Anchya Bamana fut la première à solliciter une réaction du préfet, et ne s’appesantit pas sur la faible mobilisation, « il faut savoir réveiller une population qui dort ! », nous lancera-telle en souriant. Le candidat au législatives Jacques-Martial Henry, s’est glissé lui aussi dans le cortège, « nous ne pouvons pas rester sans réaction. »
Une manifestation qui implique l’Etat, alors que beaucoup pensent que les responsabilités sont partagées, il n’y avait d’ailleurs pas d’autres élus à cette manifestation.
Issouf Anli est venu de Kani Keli, à plus d’une heure de Mamoudzou, pour dire son ras-le-bol : « L’eau n’est pas bonne à boire, nous avons tous eu des diarrhées. Même à Mronabeja et à Mbouini, où les captages permettent d’avoir de l’eau, il y a des coupures la nuit. »
Une maman, Cadre dans la formation à Mamoudzou, explique les contraintes quotidiennes à Chirongui : « La rampe d’eau de la préfecture est trop loin de la maison. Nous remplissons donc nos réserves, mais elle sent très mauvais, elle a changé de couleur. Sinon, pour la cuisine, je n’achète plus que de l’eau en bouteille parce que ma fille a vomi l’autre jour. Mais ça me fait une double facturation. »
« Une ou deux semaines, nous aurions compris »
Quant à savoir si les uns ou les autres font bouillir l’eau lors de la remise en service, la réponse est hésitante…
Sa copine nous interpelle : « L’Etat nous a oublié, je me demande si je suis française ou pas, c’est du mépris. Une coupure d’une ou deux semaines, nous aurions compris, mais là, ça fait presque 2 mois que ça dure. La plupart des écoles sont fermées, des maladies qui ont disparu vont finir par réapparaître ! »
Amir lui, est de Mamoudzou, il est venu par solidarité. Le petit cortège s’ébranle, fera deux tours de rond-point Ct Passot, et se dirigera vers la préfecture après une halte devant le conseil départemental. « Où est l’Etat face à cette crise ? », interrogent les banderoles.
Justement, des annonces ont été faites deux jours auparavant par la ministre des Outre-mer, « peu importe quelle forme prendra l’approvisionnement, un tanker ou autre, nous attendons de voir, », répondent-ils.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte