La corruption gangrène le milieu du BTP à Mayotte, et pas seulement. Une révélation que la conseillère départementale de Dembéni, Bichara Bouhari Payet, a livrée ce matin sur l’antenne de Kwezi FM. Une bonne enveloppe contre l’obtention d’un marché public, une pratique qui a la vie dure en France en général.
Cette corruption qui n’épargne pas Mayotte, Bichara Payet nous assure l’avoir dénoncée à plusieurs reprises, notamment par des dépôts de plainte, « mais elles sont restées lettre morte. »
Une pratique évidemment pas formalisée : « On ne vous demande rien, mais on vous fait tourner en rond, il manque toujours une pièce, il y a toujours un moyen pour vous inciter à passer voir l’émetteur du marché. Certains comprennent rapidement le système. »
L’amende prolonge la corruption
Sa légitimité, elle la tient de sa présidence de la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, lors de 2 mandats, de 2003 à 2006. C’est dans ce cadre qu’elle avait commencé son combat de nature à assainir la profession : « A la suite d’un détournement de fonds publics, le préfet a réalisé un audit à ma demande. Mais la justice n’a pas donné suite, alors que j’avais transmis le dossier à deux avocats de la place. »
Et quand il y a sanction, la peine n’est pas à la hauteur du délit selon elle : « Les 5.000 ou même 10.000 euros ne seront pas payés par l’élu, mais par l’entreprise corrompue. » Elle va même plus loin : « Certains élus ou cadres des collectivités, et les mairies sont les championnes, se font livrer gratuitement des matériaux, et n’ont jamais recours à un prêt bancaire. » Elle n’implique pas particulièrement de pratiques en cours au conseil départemental, « mais lorsqu’on remonte à l’époque du conseil général, si ! Il aurait fallu enquêter sur la commission des appels d’offre. »
De gros requins encore vivants
Pas de noms bien sûr, « je pourrai sortir plusieurs dossiers au procureur s’il m’appelle », mais porte malgré tout de graves accusations : « Je ne compte pas déposer plainte car je l’ai fait pendant des années sur des dossiers qui n’ont pas abouti. Pour une bonne raison, il y a des gros requins politiques, dont un est toujours vivant et tire les manettes, qui devraient être en prison pour avoir bien profité du système. Et ils influencent les juges. »
On parle de la panne de la commande publique, mais pour la conseillère départementale, la corruption tue le BTP, « les entreprises ne tiennent plus. On préfère allouer les marchés à des illettrés qui ne feront pas de difficultés, plutôt qu’à des entreprises structurées. La dernière affaire qui accuse l’ancien maire de Tsingoni en est une illustration. »
Une corruption qui commence dès le berceau, « en finançant les campagnes électorales d’élus, les sociétés misent sur un retour sur investissement. C’est illégal. »
Dans son combat, elle appelle les chefs d’entreprises à s’organiser contre ce fléau, « je peux les y aider. »
Une course à qui lavera plus blanc où il est toujours difficile d’être le premier.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte