Maanfour*, 23 ans, vit sa vie comme un film. Un film de série noire, mais dans sa tête, jamais de série B. Il a besoin d’être la vedette, ce qui l’a incité le 21 janvier dernier, à déambuler boulevard des Crabes en Petite Terre, vêtu d’une djellaba, et armé d’un pistolet. Les gendarmes eux, connaissent leur rôle dans ce cas là, et celui du lieutenant-colonel Pech et du chef d’escadron Bichon, fut de stopper net un individu menaçant pour la paix publique, et qui refusait de ranger son arme.
Avant l’arrivée du prévenu, les gendarmes viennent prévenir discrètement la procureur Prampart de son état de grande agitation. A peine entré dans le box des accusés, Maanfour interpelle le président du tribunal, Laurent Sabatier, sur la présence d’un homme dans la salle : « Lui c’est un violeur, je ne veux pas le voir ! »
L’interprète s’assied devant lui, à l’extérieur du box, mais il lui intime l’ordre de se taire, « vous me perturbez, je m’adresse au président. » La suite montrera que ses propos n’ont pas besoin d’être traduits. Le président ne parvient pas à revenir sur l’énoncé de faits sans être entrecoupé par Maanfour d’un « comment dirais-je ? », « certes ! ». Et alors qu’il l’interroge sur les raisons de sa présence Boulevard des Crabes en djelabbah blanche un pistolet à la main, il s’entend répondre, « et vous ? Pourquoi êtes-vous habillé d’une robe noire ? »
« La difficulté d’être »
Essayant malgré tout de lui faire comprendre qu’il était perçu comme menaçant, Maanfour balaye les arguments, « votre langage est trop soutenu monsieur le juge. » Il explique qu’il comprend qu’on ait pu le prendre pour un terroriste, on peut même penser que c’était l’effet consciemment recherché, et il explique ce comportement décousu : « Mes actions sont dues à la maltraitance infantile dont je fus victime dans ma tendre jeunesse, violé par mes proches, par celui-là qui est dans la salle, qui a aussi déshabillé mon frère. »
Il a été vu par un psychiatre à l’hôpital qui n’a pas conclu sur une nécessité de soins. « De toute manière, qui détient les modalités de l’accès aux soins ? », interpelle-t-il les juges en collégialité, peu habitués à avoir de telles remarques depuis ce box.
Parvenant malgré d’incessantes interpellations du prévenu, à maintenir le déroulé de l’audience, Laurent Sabatier pose la question habituelle : « Que faites-vous de votre vie ? » « Je suis tombé amoureux de mon corps, je l’envie. » Le juge poursuit, « mais votre cerveau domine votre corps ? Vous êtes donc un homme libre ? », « Pas tout à fait monsieur le juge », lance-t-il à propos.
De bangué et d’eau fraîche
Ce fut un lycéen de terminale en Spécialité de service à la personne, il a obtenu un BEP. « Vous vivez de quoi ? », retente le président, « D’eau fraîche, les filles c’est trop difficile à avoir ! Mais toutes ces questions, c’est Questions pour un champion ?! »
Il dort vraisemblablement dans la nature, tente de philosopher sur la différence entre l’Homme et l’homme, avoue « mâcher du bangué », tout en assurant, « dire que ça fait perdre la tête, c’est un stéréotype. »
Enfin, il demande à déposer plainte pour avoir été violé par les gendarmes qui l’encadrent, « ils ont dit que c’était la procédure, je voudrais en être certain ! »
La procureur n’aura le temps que de prononcer une phrase avant d’être interrompue, « nous avons affaire à un personnage particulier, peu équilibré qui brandissait une arme à feu »…. « Obstruction ! C’était un jouet ! », « Vous voulez dire ‘objection’, c’est un terme de la justice américaine. Si vous ne vous taisez pas, on poursuit sans vous », rétorque Laurent Sabatier. Lui enlever la vedette alors qu’il se veut être le chef d’orchestre de son procès, pas question. Il écoutera la suite sans bouger le petit doigt.
Feuilleton américain
La procureur replace le débat non sur la morale, « malgré le contexte tendu de l’état d’urgence sur le territoire national et la situation qui n’a pas dégénéré grâce au sang froid des gendarmes », mais sur le droit, « il faut requalifier le fait de port d’arme de catégorie B en catégorie D, c’est à dire incapacitante. » Il n’y a pas la volonté de blesser, mais la peur infligée à la population est prise en compte.
Maanfour est incarcéré à Majicavo pour d’autres faits, « ceux de profanation de tombes au cimetière de Petite Terre où il dort. » Le parquet demande 5 mois d’emprisonnement ferme.
Le témoignage de sa maman va jouer, qui décrit un jeune adulte « pas méchant, pas dangereux, mais insultant et qui s’énerve vite. »
« Je plaide coupable ! », lancera-t-il solennellement en levant sa main droite à l’américaine, « j’ai juste besoin d’un psychanalyste. » Et avisant les journalistes, « ils notent quoi ? Ce sont des colporteurs ! »
Les juges en collégialité le condamneront à 3 mois de prison avec sursis, « votre discernement n’est pas aboli, juste un peu altéré par la consommation de produits interdits. Au fait, vous êtes bien champion de la provocation ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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