« Sous la langue française, l’île »… Une image forte pour l’ilien en quête d’identité

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Petite Terre davantage isolée de Grande Terre
Jean-Luc Raharimanana invite chacun à se plonger sur tout ce qui a fait son Histoire
Jean-Luc Raharimanana invite chacun à se plonger sur tout ce qui a fait son Histoire

L’île au trésor, l’île mystérieuse, l’île de Robinson… Tout a été écrit pour que se développe tout un imaginaire collectif, « elle doit être vierge, sauvage, comme si on l’assimilait à un endroit désert. Les rebelles sont toujours allés vers les îles », note sous sa dense chevelure Jean-Luc Raharimanana. Une image qui fausse l’adaptation du nouvel arrivant, « se demande-t-on ce qu’il y a sur une île dans laquelle on arrive ? Comment elle fonctionne ? N’oublions pas que les îles de l’archipel des Comores sont une des plus anciennes culture de la zone océan Indien. »

Or, l’île n’est pas toujours l’endroit rêvé, «  le mot ‘cannibale’ est tiré de ‘caraïbes’, après que ses habitants aient rencontré les premiers navigateurs… » C’est aussi l’exil de Napoléon 1er sur l’île d’Elbe, ou les bagnes de Nouvelle Calédonie. « Donc un lieu où l’on relègue des gens indésirables. Et nous les insulaires, qui sommes-nous au milieu de tout cela, et des projets politiques ou militaires qui y sont menés ? »

Dans quel état ressort une île qui a vécu tous ces évènements historiques ? On ne sait pas trop, l’Histoire continue à s’écrire, « on en efface des bribes, les manières de vivre antérieures, et tout ça est relégué au silence. Faut-il en parler ? »

L’image décalée que la langue française donne de l’île

Une résidence d'écrivains qui va durer 3 ans
Une résidence d’écrivains partie pour 3 ans

Se pose le problème de la connaissance de sa propre culture, celle qui permet de connaître son peuple, sa manière de fonctionner, ses erreurs, ses qualités, tout ce qui a construit son Histoire. « Nous sommes en perpétuelle confrontation avec l’autre, dont on est très proche aussi. Quand lui rêve d’île, nous nous rêvons parfois de continent ! »

La première trace de cette absence de culture, c’est la déperdition de la langue selon lui : « C’est pourquoi j’ai titré mon ouvrage ‘Sous la langue française, l’île’. » Le problème vient de « la prédominance de l’image que la langue française fait naître sur l’île », pour lui. Une langue elle-même fabriquée à partir du latin, du gallo-romain et du grec, « qui a pris la place du latin en 1539 par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, reléguant le breton ou le basque en langues mineures, comme elle l’a fait pour le malgache ou l’algérien, et peut-être un jour le shimaore. Mais c’est aussi la langue de la poésie, de Voltaire et des Lumières. »

Certaines îles ont conservé leurs langues, faisait remarquer l’auditoire de l’écrivain, « le Japon, Haïti. »

« Nous ne voulons pas décevoir »

Accueil fleuri
Accueil fleuri, « nous ne voulons pas décevoir »

Enfant, Jean-Luc Raharimanana, malgachophone, a appris le français simultanément à l’école : « Nos manuels scolaires comportait la même leçon à gauche en malgache, et à droite en français. Cette double approche m’a permis de comprendre qui j’étais. » La langue est donc étroitement liée à l’Histoire.

Et sans connaissance de sa propre Histoire, point de construction. « Il y a une facilité au silence dans les îles, ‘venez chez nous, tout est beau’, les colliers de fleurs et tout ça, et comme nous sommes gentils, nous ne voulons pas décevoir. »

De ce fait, la vraie richesse des peuples est éludée, « y compris par eux-mêmes. » Le réveil, il faut l’attendre des écrivains et des poètes, selon Jean-Luc Raharimanana, « mais quelle est la place des livres sur nos îles ? Circulent-ils ? »

L’Histoire doit aussi se transmettre de génération en génération : « Comme les contes qui continuent à se dire dans les maisons par la grand-mère. Il ne faut pas briser la chaîne de la transmission. Alors enfin, nous pourrons savoir qui nous sommes. »

A.P-L.
Le Journal de Mayotte

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