Bruno Le Roux, nommé il y a 3 mois ministre de l’Intérieur, avait annoncé sa venue comme un suivi des engagements du Plan Cazeneuve. S’il a dénombré 38 mesures sur les 66 réalisées, il n’est pas allé jusqu’à compter les forces de sécurité, pourtant pointées précisément par son prédécesseur Place Beauvau. « Je ne veux pas entrer dans la logique des chiffres, adressez-vous à ceux qui ont en charge la Police et la gendarmerie sur le territoire », indiquait-il un brin agacé à la presse, lors de la conférence donnée avant de prendre l’avion pour Paris.
Pourtant le Plan Cazeneuve aurait permis l’arrivée de policiers et de gendarmes supplémentaires, comme nous le précisaient les conseillers du ministre : 55 chez les policiers, « 33 gardiens de la paix et 22 policiers », et 96 chez les gendarmes, « 47 gendarmes affectés et 41 gendarmes mobiles, renforcés par 8 de plus en 2017. »
Pour assurer la pérennité de ce personnel mobile, le colonel Leclercq, commandant de la gendarmerie à Mayotte, a démontré au ministre leur utilité, notamment pour venir à bout des coupeurs de routes, et pour endiguer la délinquance, « sur les 2 premiers mois de 2017, les atteintes aux biens ont chuté de 10% et celles aux personnes n’ont crû que de 1,8% », nous avait-il précisé.
« Si Mayotte était seule dans ce cas ! »
Le ministre surfe-t-il déjà sur ces bons résultats ? En tout cas, il expliquait que le manque d’attractivité de l’île, notamment pour le personnel médical, n’est pas lié à l’insécurité, « il faut mettre les moyens pour les faire venir », se contentait-il de dire.
Quant aux habitants, ils sont à peine plus rassurés qu’il y a quelques mois à l’idée de sortir le soir : « Si Mayotte était seule dans ce cas ! », s’exclame le ministre qui souligne l’impact positif de ces nouvelles mesures sur la délinquance. Comme il l’a indiqué en matinée, il va rencontrer le garde des Sceaux pour la mise en place d’un Centre éducatif pour mineurs.
La où l’impact des mesures, pourtant comptabilisées comme actées, est plus discutable, c’est lorsqu’on parle de moyens nautiques, comme nous l’explique un policier de la PAF : « Nous avons du faire sortir en urgence un bateau de cale sèche pour la visite du ministre, mais il n’est pas opérationnel. Le moteur fonctionne, mais nous n’avons plus de moyens de communication satellite, ni de gilets aux normes, malgré un permis de navigation délivré par les Affaires Maritimes. C’est dangereux pour nous, et pour les personnes que l’on secourt. Les deux bateaux prévus ne sont pas commandés. » Le ministre constate les besoins, sans donner de précisions sur des commandes fermes, autre que le bateau prévu pour la gendarmerie maritime.
Radicalisation : 40 cas suivis
Sur la crise de l’eau dont il avait annoncé les mesures, « à la place d’Ericka Bareigts qui vient vous voir cette semaine », il ne veut pas voir de défaillance de l’Etat au cours de ces 3 mois sans eau pour le centre et le sud, « mais une mobilisation de tous nos moyens disponibles, avec notamment le tanker qui chargera de l’eau à La Réunion. »
Nous connaissons maintenant les cas de radicalisation à Mayotte, « ils se montent à 40 signalements actifs de cas suivis. Il y en a moins qu’ailleurs, certainement en raison d’un encadrement des pratiques religieuses par les habitants. Je suis davantage préoccupé par des personnes qui pourraient arriver de l’extérieur, notamment de métropole. »
Quant à l’information livrée en exclusivité par le JDM, d’un travail en cours, mené notamment par le délégué à la coopération régionale et ancien ambassadeur de France aux Comores, Luc Halade, pour trouver une voie de rapprochement institutionnel avec les Comores, « je n’ai pas eu d’éléments sur cette question », répond-il en se tournant vers le préfet Frédéric Veau.
Pour revenir au service après vente du Plan Sécurité, objectif de sa visite, Bruno Le Roux indique que les 26 mesures qui restent à réaliser seront mises en œuvre selon un échéancier qu’il communiquera. Il n’a plus que 2 mois pour le faire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte