A Mayotte, accompagner les jeunes de 16 à 25 ans, cible des Missions locales, c’est à la fois récupérer les exclus de l’Education nationale, recevoir des jeunes plus ou moins en règle administrativement, et travailler avec des inscrits qui souffrent pour moitié d’illettrisme. Autant dire, une Mission… impossible. Le tout avec un budget minime.
« A travers l’insertion professionnelle et la formation des jeunes de 16 à 25 ans décrocheurs, nous visons à leur apporter de l’autonomie », explique Zakia Dohounzo, Directrice de la Mission locale de Mayotte, à l’intention des élus locaux autour de la table ronde. Mais il y avait davantage de conseillers départementaux, que de maires. Ces derniers étaient représentés par Toillal Abdourraqib, DGS de l’Association des Maires de Mayotte.
Du 7 au 9 mars, c’est pourtant vers ces derniers que Claude Fournet va se tourner : « C’est la seule structure en France qui n’est pas de la responsabilité de l’Etat. Les Missions locales sont issues du rapport Schwartz qui proposait une insertion professionnelle et sociale des jeunes, collant au plus prés des problématiques d’un territoire. »
4% du financement viennent des maires
Or, le tableau du financement des Missions locales parle de lui-même : l’Etat participe à 85,5% en 2016, « contre moins de 50% en national », le conseil départemental 10%, et même 16,6% en 2015, « le ration moyen de métropole », donc 4% environ viennent des mairies. Or, les financements de l’Etat visent les ressources humaines, et non les frais induits, comme les bureaux, le matériel informatique etc. : « Le maire doit prendre conscience que le jeune qui va à la Mission locale est issu de sa commune, et qu’il peut tourner mal si personne ne s’en occupe. »
Les maires aux premières loges de la prévention de la délinquance, donc, par cet outil. Or, on apprenait que parmi les 6 antennes locales, celle de Koungou, inaugurée il y a 2 ans en grande pompe, est fermée depuis un an…
Surtout qu’en l’état actuel, la Mission locale de Mayotte ne peut plus étaler, comme le faisait remarquer Zakia Dohounzo : « L’accompagnement est devenu un droit pour chaque jeune, on ne peut plus leur refuser. Or, si les trois-quarts de nos 56 salariés sont positionnés sur cet axe, nous suivons en moyenne 12.000 jeunes chaque année, soit plus de 300 jeunes par conseiller, là où il en faudrait 50 selon la loi. »
29% des jeunes sont parents de 2 enfants
Du coup, les capacités de la Mission locale de Mayotte sont mises à rude épreuve : « Pour 4.500 à demander une formation, seuls 859 ont pu en bénéficier cette année. » Et sur la Garantie jeunes, qui leur permet au cours de leur formation d’être indemnisés au niveau du RSA, soit 237 euros, seuls 200 ont pu en bénéficier.
Ce qui laisse une idée du potentiel de jeunes accompagnés dès que les maires mettront la main à la poche.
Le dispositif Emploi Avenir a permis d’en insérer en emploi, « mais un bilan national est en cours, basé sur l’évaluation d’emplois durables créés. »
Ici, la difficulté vient du profil des jeunes aidés : « 14% sont parents d’un à 5 enfants, 29% en ont au moins 2, et 35% ont entre 16 à 21 ans. Or, nous n’avons pas les moyens d’une prise en charge sociale, d’étudier leur contexte familial, ce qui est pourtant notre cœur de métier en accompagnement de l’insertion professionnelle », rapporte la directrice de la ML de Mayotte.
Sur le plan de la nationalité, beaucoup de jeunes sont en cours de régularisation, et ont du mal à avancer tant que ce problème administratif est en suspens.
« Les majeurs de l’Education nationale »
Ici, comme en métropole ou dans les autres DOM, le public ciblé est en grande difficulté, « il ne faut d’ailleurs pas les appeler les ‘décrocheurs’, mais ‘les majeurs de l’Education nationale’ », glissait Claude Fournet, qui signifiait que les ML récupéraient les déficiences de la scolarité.
Ici, se greffe une difficulté de taille, rappelée par le conseiller départemental Chihabouddine Ben Youssouf : « Nous avons ici un taux important d’illettrés ». La Mission locale confirmait avoir des jeunes d’un niveau 7, inédit sur le plan national, « créé pour Mayotte ? », interrogeait sarcastique Claude Fournet, et une grande majorité de niveau 6, « qui ne parviennent même pas à remplir un formulaire de renseignement d’identité. Nous parvenons à accompagner dans de bonnes conditions à partir du niveau 5 », concluait Zakia Dohounzo. L’idée est lancée de créer en amont un dispositif propre à Mayotte.
Celui qui est aussi le référent des Missions locales ultra-marines, déclarait : « Une société qui s’occupe mal de sa jeunesse, commence à dépérir », espérant provoquer une prise de conscience chez les élus locaux.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte