Mayotte est décidément un département à part. Dans son enquête «Migrations, natalité et solidarités familiales» dévoilée ce vendredi matin, l’Insee souligne que dans notre société «en pleine mutation», les mobilités sont «très importantes et recomposent la population». Ainsi, en 2015, plus d’un adulte sur deux vivant à Mayotte n’y est pas né. Parmi eux, les natifs des Comores sont les plus nombreux: ils représentent 42% de la population du département.
Pour la 1ère fois, l’Insee détaille les lieux de naissance. «Traditionnellement, on étudie le pays d’origine. Pour la 1ère fois, nous sommes allées plus loin», explique Jamel Mekkaoui, de l’Insee. On apprend ainsi que les seuls natifs d’Anjouan forment 30% de notre population. Ceux de Grande Comores et de Mohéli en représentent 12%. Mais on trouve aussi les personnes nées en métropole: elles sont 8% de la population mahoraise.
Au total, seulement un tiers des adultes résidant à Mayotte y sont nés d’une mère elle-même native du département. Donnée importante: Cette proportion n’est plus que de 22% pour les 18-24 ans. On retrouve donc dans les chiffres l’engorgement des maternités mahoraises.
Etre né à l’étranger ne signifie pas forcément être de nationalité étrangère. En effet, parmi les natifs de l’extérieur, 15% ont la nationalité française de naissance ou par acquisition.
La moitié des étrangers en situation irrégulière
En 2015, 41% des adultes résidant à Mayotte sont de nationalité étrangère. «Mayotte est le département français où la part d’étrangers dans la population est la plus importante, devant la Guyane», relève l’Insee. Cette part est nettement plus élevée parmi les jeunes adultes (51% parmi les 25-34 ans) que dans les générations les plus anciennes (15% parmi les 55 ans et plus).
Fait notable, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte est en situation irrégulière. C’est parmi les Comoriens que l’on compte la plus grande part d’étrangers «sans titre». Très élevé chez les plus jeunes, le taux d’irrégularité administrative diminue fortement avec l’âge. Il passe de 74 % chez les 18-24 ans à 30 % pour les 45 ans ou plus.
La grande majorité de ces étrangers «sans titre» déclarent aspirer à une régularisation de leur situation administrative et un peu plus de la moitié en ont déjà fait la demande.
Les natifs d’Anjouan ont pour particularité d’être souvent arrivés jeunes à Mayotte: 45 % étaient mineurs à leur arrivée et la moitié des 18-24 ans y résident depuis au moins 10 ans. À l’inverse, la majorité des autres étrangers sont arrivés à l’âge adulte.
Quelle que soit leur situation administrative, la plupart des étrangers inscrivent leur immigration à Mayotte dans la perspective d’une installation durable: 12 % seulement l’estiment provisoire et aspirent à déménager en métropole.
La moitié des jeunes nés à Mayotte n’y résident pas
L’immigration est importante mais l’émigration est également forte. En 2012, 26% des natifs de Mayotte et résidant en France vivent en dehors du département, principalement à La Réunion et en métropole. Ils sont même 45% des 18-24 ans ! Cela signifie que près d’un jeune né à Mayotte sur deux ne vit plus sur notre île. Cette proportion est bien plus élevée qu’aux Antilles et à La Réunion (33 % et 20 %), témoignant d’une très forte mobilité de nos jeunes. «Les phénomènes migratoires des 18-34 ans sont des phénomènes très impressionnants», souligne Jamel Mekkaoui.
Sans cette émigration, les natifs de notre île seraient majoritaires parmi les adultes résidant à Mayotte (57% contre 45% actuellement).
La mobilité des jeunes
Par ailleurs, 30 % des adultes nés à Mayotte, et qui y résident, ont déjà séjourné plus de six mois en dehors de l’île. Ce sont surtout les 25-34 ans qui sont concernés, bénéficiant des nouvelles «aides publiques à la mobilité». Les plus de 35 ans ont en effet beaucoup moins bougé.
Ils ont fait l’expérience de la mobilité mais ils n’en sont pas forcément satisfaits: 25 % en tirent un bilan négatif, soit 7 points de plus que dans les autres groupes d’âge. «La différence ne tient pas tant à leurs conditions de vie durant la migration qu’à celles qu’ils (re)trouvent sur place. Plus de la moitié des 25 à 34 ans déclarent ainsi avoir rencontré des difficultés dans le domaine de l’emploi à leur retour et 40 % sont sans emploi», note l’Insee.
Qui sont les nouveaux arrivants
La population change vite à tel point que 12% des adultes se sont installés à Mayotte au cours des cinq dernières années. Un tiers sont des Mzungus, nés en France hors Mayotte, un tiers des natifs d’Anjouan, un quart vient de Grande Comore. La majorité de ces nouveaux résidents sont de jeunes adultes (70 % ont moins de 35 ans), souvent célibataires (55%) et sans enfant (38% contre 22%). Plus jeunes, les arrivants des Comores comptent aussi une part plus importante de femmes.
Les personnes nées en métropole sont venues à Mayotte principalement pour y travailler. D’ailleurs, la plupart ont un emploi. Mais seulement 5% projettent de résider définitivement à Mayotte.
Pour leur part, 35% des nouveaux arrivants nés aux Comores imaginent leur installation définitive, mais seul un sur dix est en situation régulière sur le territoire. En immigrant à Mayotte, les trois quarts d’entre eux aspirent d’abord à améliorer leurs conditions de vie et à pouvoir bénéficier de soins médicaux. Ces nouveaux arrivants en provenance des Comores ont cependant du mal à s’insérer sur le marché du travail mahorais : moins de 10 % d’entre eux occupent un emploi.
Cette étude pose donc des chiffres précis sur des ressentis. On connaît maintenant très bien la structure de la population…De quoi alimenter les débats et les politiques publiques.
RR
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