On entend souvent dire à Mayotte que l’individualisme gagne du terrain. C’est sûrement vrai mais l’Insee vient nous rassurer.
Nous vous présentons aujourd’hui, le 3e et dernier volet de l’étude «migrations, natalité et solidarité familiale» publiée vendredi. Et on y apprend qu’à Mayotte, plus d’un habitant sur deux (56%) déclare aider régulièrement des proches, «témoignant d’une solidarité plus grande que dans les autres DOM», note l’Insee. Cela s’explique principalement par une aide financière deux fois plus fréquente qu’ailleurs: 34% des Mahorais contre 17% des autres DOMiens donnent un coup de pouce financiers à leurs proches.
L’Insee relève que ces comportements solidaires jouent un rôle essentiel, «dans un contexte de forte pauvreté, de chômage important, d’alignement en cours de la protection sociale et de fortes migrations». Chez nous en effet, la moitié des adultes déclarent avoir des difficultés pour «boucler leurs fins de mois» et 20% n’y parviennent pas sans s’endetter ou sans rechercher un soutien financier.
Pour autant, on ne donne pas à n’importe qui. «Pour l’essentiel, cette entraide monétaire se limite à la sphère familiale», souligne l’Insee: 75% des Mahorais aident leurs parents en général et leur mère en particulier (60%).
Seules 9 % des aides sont destinées à des personnes extérieures au cercle familial, des voisins ou des amis.
Les jeunes et les personnes âgées
Logiquement, ce sont les adultes aux deux extrémités de la vie qui sont soutenus financièrement. «Très souvent au chômage, les jeunes adultes de moins de 25 ans sont particulièrement fragiles sur le plan financier. En conséquence, un quart d’entre eux bénéficient d’un soutien financier, de leurs parents le plus souvent. Il en va de même des personnes âgées, dont beaucoup ne disposent d’aucune retraite et sont donc très dépendantes de ces transferts financiers: près de la moitié des plus de 65 ans en bénéficient», expliquent l’Insee.
Ces aides financières sont également importantes chez les immigrants. Ainsi, plus de la moitié des natifs des Comores ou de Madagascar vivant à Mayotte déclarent envoyer de l’argent à leur famille, très régulièrement (11%) ou plus occasionnellement (45%), principalement à leur mère.
Les actifs sont généreux
Ce sont les hommes, âgés de 25 à 64 ans, qui jouent «un rôle central dans cette solidarité intergénérationnelle». Ils sont les mieux insérés dans la vie active et 46% d’entre eux reversent une partie de leur revenu d’activité au reste de leur famille. En revanche, ils reçoivent rarement des aides financières.
Les femmes donnent moins souvent, en raison principalement d’un taux d’emploi encore très inférieur à celui des hommes (28% contre 46% en 2015 pour les 15-64 ans). Mais lorsqu’elles exercent une activité, comme les hommes, près d’une sur deux aident un proche.
Une entraide intergénérationnelle dans la vie de tous les jours
L’argent, c’est important mais l’entraide peut aussi se manifester dans le quotidien. À Mayotte, quatre personnes sur dix apportent régulièrement une aide non financière à leur entourage, principalement sous la forme de «garde d’enfant», qui constitue la moitié de ces aides non financières. Cette solidarité est très importante: un ménage sur cinq garde régulièrement et gratuitement des enfants en l’absence de leurs parents.
Cette aide est apportée en priorité par les plus âgés qui ne sont pas actifs, mais aussi par les plus jeunes qui sont rarement en emploi.
Anticiper les besoins des seniors
Cette aide peut aussi concerner des formalités administratives, que ce soit les démarches juridiques ou de protection sociale (Pôle Emploi, CAF, Urssaf par exemple). «Les plus anciens en particulier n’y sont culturellement pas habitués et sollicitent les plus jeunes pour les y aider», explique l’Insee. Les seniors sont aussi assistés dans les tâches ménagères de la vie quotidienne (pour 36% d’entre eux).
Il est intéressant de constater qu’actuellement, les seniors de plus de 60 ans ne représentent que 4% de la population. Mais avec une population appelée à vieillir, il est important d’anticiper les aides que pourraient nécessiter nos aînés.
Enfin, sachez que les jeunes se sentent une responsabilité dans notre société. Plus des deux tiers des jeunes adultes de moins de 25 ans qui bénéficient d’une aide financière de leur famille proposent en retour une aide non financière, comme la réalisation de tâches ménagères (48%) et/ou administratives (30%), ou bien la garde de leurs frères et sœurs (22%).
Autrement dit, la solidarité, héritée de la culture mahoraise, a encore toute sa place dans notre société.
RR
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