Malgré sa petite expérience de ministre, et déjà tellement habituée à entendre critiquer l’Etat, Ericka Bareigts n’a pas compris l’interpellation dont elle faisait l’objet ce mardi matin. Elle était venue au Centre universitaire pour parler coopération régionale, et ne s’attendait pas à être de nouveau interrogée sur la thématique de l’eau. « Je suis là pour ça », répondra-t-elle d’ailleurs en ne se dérobant pas, et en prenant le temps d’écouter Kamarizaman Soilihi, parent d’élèves, également actif dans une association environnementale.
« Mes enfants n’ont que 3 heures de cours, parce qu’il n’y a pas de raccordement », se plaint-il. Or, la ministre a débloqué 500.000 euros pour ça, « mais ce n’est jamais arrivé jusque dans la commune de Ouangani ». Et ce n’est pas tout : « Depuis 4 ans que la réforme des rythmes scolaires a été mise en place, les enfants n’ont toujours pas eu d’activités périscolaires. »
La ministre répondra qu’elle a fait voter le doublement des dotations de constructions et de rénovations scolaires dans le 1er degré à 20 millions d’euros, « mais vous pouvez toujours gonfler l’enveloppe, ça n’arrive pas », retentait le parent d’élève. Ericka Bareigts finira par déclarer : « Je suis là pour aider les élus à prendre leur responsabilité. » Mais par quel biais ?
Et toujours l’absence de contrôle
Cette absence de sens de l’intérêt général est encore largement répandue chez les élus locaux. « Nous avons fait pour l’eau, la même chose que pour les écoles* », explique depuis plusieurs semaines Roukia Lahadji, la maire de Chirongui, à qui veut l’entendre, impliquant « la responsabilité des élus locaux et nationaux. »
De plus, à la tête de communes toujours déficitaires, à la masse salariale grossissante, certains sont tentés de ponctionner dans des ressources annexes, et celles dédiées aux activités périscolaires en font partie. Et l’injustice de traitement dont elles pâtissent vient empirer la situation, qui ne s’améliorera que lorsque sera versées l’intégralité des ressources auxquelles elles ont droit, dont l’octroi de mer.
Voyant que Kamarizaman Soilihi restait sur sa faim, la vice-recteur est allé à sa rencontre. Mais nous expliquait ensuite ne plus avoir la main sur le fonds de d’amorçage versé aux communes dans le cadre des rythmes scolaires : « Nous avons versé 280.000 euros, mais qui transitent maintenant par l’Agence de Services et de Paiement. » Qui va malgré tout « personnellement démarcher le maire sur ce sujet ». Sollicité, le préfet nous a expliqué ne pas savoir qui contrôlait la bonne utilisation de ces fonds.
Transparence sur la masse salariale
Le discours exemplaire ce lundi devant la ministre de la maire de Chirongui, prenant sa part de responsabilité dans la crise de l’eau, devrait servir de panache blanc. Mais qui pour enfourcher un cheval de vertu et la suivre ? Elle mettait dans la balance ses efforts, « A Chirongui, nous avons un ratio de 9,8 agents pour 1.000 habitants, à La Réunion en moyenne, il est de 29,8 pour 1.000, et en métropole, de 18,9 », pour demander à Ericka Bareigts un alignement des dotations des collectivités de Mayotte sur ses sœurs ultramarines. Que promet la Loi Egalité réelle et ses Plans de convergence.
A l’image de Chirongui, la publication de ces ratios devrait d’ailleurs être généralisée à l’ensemble des collectivités, dans un souci de transparence vis à vis des administrés.
En persistant à ne pas contrôler les dotations et en ne dotant pas les collectivité à la hauteur de ce qu’elles ont droit, les recettes destinées aux bien-être des habitants continueront à couvrir la masse salariale.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* En 2013, le SMIAM, syndicat départemental et communal chargé des constructions scolaires, n’avait sorti qu’une seule salle de classe, malgré les 10 millions d’euros alloués par l’Etat. Sans contrôle.