«Je ne veux plus être vu comme un handicapé mais comme un handicapable. C’est un terme que j’ai inventé pour dire que je suis un individu comme un autre». Docteur Léo a un sacré caractère et il n’est pas du genre à baisser les bras, même si la vie n’a pas toujours été tendre avec lui. Depuis plusieurs mois, il monte une opération inédite: le Tour de Mayotte en fauteuil roulant.
«Oui c’est peut-être de la folie mais je veux que cette folie soit générale. Je veux faire parler, je veux faire réagir. L’idée est venue de la galère». Docteur Léo est évidemment un surnom, un mélange de la force de la psychologie du docteur Hannibal Lecter (le cannibalisme en moins) et le courage du roi grec Leonidas, 500 ans avant Jésus Christ. Son vrai nom est Ousseni Coco Ambdi-Razakou.
Il vit à Mayotte, sa terre natale, depuis 2013. Il l’avait quitté enfant pour grandir en métropole et il y est revenu adulte, dans un fauteuil roulant. Entretemps, un accident de plongée a changé sa vie à jamais. Quatre ans après, il a réappris à vivre ou plutôt à s’adapter à sa nouvelle vie. «La maladie se soigne, le handicap s’adapte. C’est ma formule. Il faut s’adapter même si ce n’est pas toujours facile».
Le regard qui attaque
Lui, ne s’est jamais considéré comme un handicapé. Mais la société s’est chargée de lui faire comprendre. Manque d’emplois, inaccessibilité des lieux publics, manque de transports adaptés, manque d’activités… Chez nous peut-être plus qu’ailleurs en France, le handicap est synonyme d’impasse sociale quand il n’est pas associé à la maladie. «Quand je suis revenu, j’ai ressenti le regard des gens comme une attaque de pitié. Pas quelque chose de bienveillant ou de généreux.» Alors il veut changer les choses. Parce que même si le quotidien en fauteuil est très compliqué, il revendique une autonomie totale. «Je ne m’interdit rien. Je fais même de la plongée», affirme-t-il fièrement.
Logiquement, avec ce projet de Tour de Mayotte, il veut «embarquer tout le département!». Son opération va donc durer 12 jours. Le départ sera donné lundi depuis son village natal d’Hamjago pour une 1ère étape de 15km vers Mtsangamouji. Puis se sera Combani, Sada, Chirongui, Mzouazia, Kani-Kéli, Dapani, Bandrélé, Tsoundzou, Koungou, Bandraboua pour un retour à Hamjago le 31 mars. Chaque jour, les étapes font entre 7 et 18 kilomètres*.
Avec tous ceux qui le voudront
Il fera ce circuit avec des valides et tous ceux qui voudront l’accompagner en marchant, courant, en voiture, en vélo, en pneu, trottinette, à pied, moto… ou en chaise roulante. Des campements sont prévus dans chacune des villes-étapes. Il célèbrera ensuite la fin de l’aventure le samedi 8 avril à Chiconi avec des animations organisées toute la journée et un concert le soir, là encore avec tous ceux qui voudront s’y joindre et bien entendu, ceux qui l’auront accompagné et les partenaires qui ont permis la réalisation de ce tour.
«Bien sûr que je veux sensibiliser les politiques mais je veux aussi parler à toute la population et dire qu’à Mayotte, les personnes en situation de handicap sont dans une solitude totale.» A Hamjago pour l’arrivée de son tour de Mayotte et à Chiconi le samedi suivant, il espère donc que la population sera là. Plus qu’un symbole, il veut partir de la solitude pour arriver dans la foule. Et la reconnaissance d’une juste place dans notre société.
RR
www.lejournaldemayotte.com
*Le parcours complet :
jour 1 (le 20 mars) :HAMJAGO/Mtsangamouji (15 km)
jour 2 (le 21mars) : Mtsagamouji/Combani (13 km)
jour 3 (22mars) : Combani/ Sada (8 km)
jour 4 (le 23mars) : Sada/Chirongui (18 km)
jour 5(le 24mars): Chirongui/Mzouazia (10 km)
jour 6 (le 25mars) : Mzouazia/Kani kéli (7 km)
jour 7 (le 26mars): Kani Kéli/Dapani (11 km)
jour 8 ( le 27mars) : Dapani/Bandrélé (10 km)
jour 9( le 28mars) : Bandrele/Tsoundzou (17,7 km)
jour10( le 29mars): Tsoundzou/Koungou (14,7 km)
jour 11(le 30mars) : Koungou/Bandraboua (15 km)
jour 12 (le 31 mars) : Bandraboua/HAMJAGO (15,6 km)