Formation professionnelle : Pour passer à l’acte, il faut savoir repartir de zéro

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Alain Gueydan, Dieccte, et Mariame Saïd, CD
Alain Gueydan, Dieccte, et Mariame Saïd, CD

On note une évolution dans la prise de conscience. La majorité des acteurs locaux réunis au sein de l’amphithéâtre du Centre Universitaire pour le 2ème jour du « Séminaire de prospectives de la formation professionnelle à l’horizon 2030 », ont dit leur ras le bol des Schémas et Plans, rangés dans un tiroir à peine l’encre de la signature séchée. « Le Schéma régional économique de l’emploi et de la formation a été signé en 2010. Il est toujours valable, peu d’actions ayant été lancées. Il faut passer à l’acte », relève François De Lavergne, cabinet AMNYOS.

En écho, Warda halifa, Chargée de mission au CUFR se disait lassée : « C’est la énième réunion. Avant, on mettait nos problèmes sur le compte d’un manque d’argent, maintenant que les fonds européens sont là, nous n’arrivons pas à monter les dossiers, et à les mettre en œuvre. » Un financement sur la mobilité a été débloqué via LADOM, « mais les jeunes ne sont pas si motivés pour aller voir ailleurs, d’autre part, nous ne pouvons pas envoyer dans la nature ceux qui sont illettrés. »

En dépit de l’implication saluée par tous de Mariame Saïd, l’élue qui en a la charge, le conseil départemental, un des principaux donneurs d’ordre, ne fait pas montre de volonté, la désorganisation règne dans le service, selon l’ensemble des acteurs. Et les énergies s’épuisent sur les mêmes pistes sans issue, comme celle d’une importation de produits malgaches, «  on sait qu’ils ne sont pas aux normes communautaires », rappelle Alain Gueydan, le directeur de la Direction du travail.

Parents et enfants ensemble sur les bancs de l’école

Tony Mohamed a surmonté la difficulté d'impliquer les parents dans la scolarité
Tony Mohamed a surmonté la difficulté d’impliquer les parents dans la scolarité

Immigration, maîtrise du français, niveau scolaire, absence de volonté du conseil départemental… Les freins sont nombreux, mais les acteurs semblent prêts à se relever les manches en dépit du contexte.

Pour Mohamed Moindjié, pour réussir une formation professionnelle, il faut 4 préalables : Maîtriser les savoir de base « avec une scolarisation réussie, pour ne pas avoir à faire des remises à niveau », la Parentalité, « ma mère n’a jamais été scolarisée, et pourtant, c’est elle qui me réveillait tous les matins », le travail avec les Associations « qui œuvrent déjà avec les jeunes et qui ont le savoir-faire », et un développement Economique « qui reposerait sur la création de richesses, et non sur la fonction publique. »

Tony Mohamed est un bon exemple du savoir faire associatif. Avec Espoir et Réussite, il a mis en place un apprentissage à la lecture et au calcul pour les enfants accompagnés de leurs parents. « Les enfants sont plus concentrés et les parents peuvent suivre la scolarité. »

« La pression migratoire nous fait reculer »

"On fait un pas en avant, et la pression migratoire nous fait reculer"
« On fait un pas en avant, et la pression migratoire nous fait reculer »

Le problème posé par l’immigration et les primo-arrivants était naturellement posé : « Le niveau scolaire baisse, et les cadres mahorais finissent par mettre leurs enfants dans des écoles privées, puis rapidement en internat en métropole. On ne peut pas continuer sur cette pente », revendiquait un membre de la DAFPI, la Direction de la formation professionnelle et de l’Insertion du conseil départemental.

Même interrogation chez la Directrice des Ressources Humaines de EDM, « on va de l’avant, mais cette pression migratoire nous fait reculer ».

Un autre problème se pose, celui de la coordination des Organismes de Formation professionnelle, qui se voient en concurrents, sans proposer d’action coordonnée : « Il faut mutualiser le travail entre les partenaires », relevait Jacques Launay, Dieccte, ce que la DRH d’EDM illustrait : « Il faut centraliser l’information, et repérer chaque décrocheur pour l’adresser à la structure adéquate. »

« Que veulent faire les Mahorais de Mayotte ? »

"Qu'est-ce-que les Mahorais veulent faire de Mayotte?!", interpelle Kadafi Attoumani
« Qu’est-ce-que les Mahorais veulent faire de Mayotte?! », interpelle Kadafi Attoumani

Mais l’objectif premier, est de dégager une vision qui chamboule un peu, beaucoup, le secteur, pour le faire évoluer. Kadafi Attoumani, directeur d’OPCALIA, interrogeait : « Qu’est ce que les Mahorais veulent faire de Mayotte ? Comment on se projette ? Le Mahorais de demain doit intégrer que ces nouveaux arrivants vont rester, il faut en faire des Mahorais, des citoyens français. »

Il replaçait le curseur au niveau zéro, « il faut commencer à assurer de quoi manger pour tous, puis se préoccuper d’éducation, de santé et de sécurité. Tant qu’on n’aura pas réglé ces problèmes, il n’y aura pas d’évolution. Il faut se doter de cadres de haut niveau, et favoriser une montée en puissance de cadres territoriaux. »

Ce n’est qu’ensuite, « et non pas avant », qu’on peut parler de Schémas et de Plans. « Celui de 2010 n’a même pas été mis en route, et j’entends reparler des mêmes choses, de tourisme, d’agriculture, de NTIC, d’aquaculture… 6 ans qu’on nous redit les mêmes choses. Les ‘Shémas’ donnaient même des recommandations pour éviter les écueils ! »

Il appelait à réviser le bon ordre des choses, « ce n’est pas en faisant des Emplois Aidés qu’on va régler le problème ! »

« Un proverbe mahorais dit, lorsqu’un fou prend conscience de sa folie, c’est qu’il est guéri. C’est un peu ce que nous sommes », lançait en souriant un intervenant. Relayé par François De Lavergne, « Marc Twain disait ‘ils ne savaient pas que c’était impossible, donc ils l’ont fait’ ».

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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