« Nous en sommes en moyenne à 25% de consommation des fonds », déclare Mohamed Sidi, le 6ème vice-président du département Chargé des Affaires européennes, « c’est le minimum annuel, qui nous évite pour l’instant le dégagement d’office », c’est à dire le retour des sommes à l’envoyeur, l’Europe. Il faut qu’au 31 décembre, les opérations prévues cette année soient engagées. Nous serions malgré tout parmi les bons élèves pour une première programmation.
On connaît les freins : « Les porteurs de projets n’ont pas les reins assez solides pour avancer le co-financement, et les banques n’accompagnent pas. Mais aussi, le Programme opérationnel n’a pas fait un bon diagnostic du territoire. » Co-rédigé par la préfecture qui a la compétence de gestion des fonds européens, mais qui a montré ses déficiences au point de perdre son agrément, et par le précédent exécutif conseil départemental, le Programme opérationnel a chiffré à 10 millions d’euros les besoins des PMI (Protection maternelle Infantile), et en rénovations, « alors que le besoin est de 24 millions d’euros, et en constructions, certaines sont de simples containers ».
Comme à son habitude, Sidi Mohamed n’accuse personne, « j’assume la continuité de service, mais le département devra sur cette opération verser 14 millions d’euros de sa poche ». Il regarde déjà plus loin, « nous nous préparons activement à la prochaine programmation qui commence en 2020 », en pointant les défis : « L’assainissement pour 800 millions d’euros, le contournement de Mamoudzou pour 700 millions d’euros, la salle polyvalente de Kahani, ‘un petit Bercy’, pour environ 300 millions d’euros. Quant à la crise de l’eau, qui prouve que nous sommes sous dotés en infrastructures, il faut commencer par consommer l’enveloppe existante. »
12 millions d’euros inutilisés pour la coopération régionale
Consommer, certains savent faire, « nous en sommes à 106% sur l’IEJ (Initiative Emploi Jeunes), où nous avons demandé une rallonge », essentiellement le fait du BSMA ou de grosses associations, comme Tama ou Apprentis d’Auteuil, qui ont su monter leurs dossiers.
En matière de coopération régionale, la Transfrontalière est en échec, entre Madagascar qui n’a pas voulu l’intégrer, et un travail avec les Comores qui a été placé sous le seul signe d’une discussion diplomatique avec Paris, sans que les acteurs locaux des deux îles française de l’océan Indien, préfets et présidents de département, en fassent partie. Frustrant que l’enveloppe de 12 millions d’euros ne soit pas utilisée, « il faut dépasser ces tensions », appelait l’élu.
Les départements d’outre-mer n’ont pas tous les mêmes difficultés pour consommer les enveloppes, étant déjà structurés, tant dans leurs infrastructures que dans l’ingénierie de projets. Mais, réunis sous l’appellation Régions ultrapériphériques (RUP) européennes, ils sont 9, les 5 DOM français et Saint-Martin, Madère et les Açores pour le Portugal et les Canaries, pour l’Espagne, à organiser tous les 2 ans un Forum pour faire poids au sein de l’Union Européenne.
Arriver à se faire entendre
Le 4ème va se tenir les 30 et 31 mars 2017 à Bruxelles, avec un programme dense. Mayotte avait participé au précédent en tant qu’ « apprenant », puisqu’en septembre 2014 elle n’avait pas encore intégré leur cour. Contrairement à la délégation de 50 personnes menée par Daniel Zaïdani entièrement prise en charge par les départements, celle du président Soibahadine Ibrahim Ramadani intègrera un vice-président par thématique, il y en a 4*, et l’administration chargée de leur mise en œuvre, « nous seront un vingtaine accompagnés d’acteurs privés, dont les financeurs du déplacement, notamment la SEAM », la Société d’exploitation de l’aéroport de Mayotte (SEAM).
C’est l’occasion de permettre à l’ensemble des acteurs des RUP de s’exprimer sur la mise en œuvre des politiques européennes, « nous avons préparé un mémorandum commun de 156 pages, au sein duquel l’arrêt Mayotte, qui permet des adaptations, figure en bonne place. »
Tout réunis soient-ils, les 9 RUP vont devoir faire œuvre d’ingéniosité et activer leurs réseaux pour se faire entendre des instances européennes, actuellement en mal de reconnaissance, prises entre la tempête Brexit, et les programmes anti-européens de certains candidats à la présidentielle français.
Pour Adrachi Velou, Responsable de la Cellule partenariat à la Direction des Affaires européennes du département, ce Forum tombe à point nommé, « puisque en pleine révision de la politique de cohésion. Nous pouvons apporter des innovations et nous positionner en tant que laboratoire de valorisation des énergies renouvelables », et nous devons faire ce travail de lobbying qui fait tant défaut à Mayotte », complète Mohamed Sidi. Dans ce cadre, il annonce l’affectation d’un agent du département entre Bruxelles et paris, « pour assister aux réunions d’ajustement par exemple auxquelles nous n’assistons jamais. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Les 4 sessions thématiques :
– « Construire un avenir durable : perspectives pour une meilleure intégration des RUP dans leur marché régional
– « Renforcer la compétitivité et l’emploi dans les RUP ; l’économie circulaire, verte te bleue, l’énergie »
– « Créer des liens : améliorer l’accessibilité physique »
– « Le soutien des programmes et des fonds européens : bilan et perspectives »