Que vous vous soyez déplacés, ou que vous l’ayez suivie en direct à la radio, vous êtes sûrement impatients de savoir où vous avez flaché à la dictée Bolé. Et ceux qui ont eu la flemme d’attraper un stylo ce samedi, pourront se faire une idée des trésors de réflexion qu’ont dû déployer les candidats, pour passer à travers les « tours de maji » (eau en shimaoré), ou pour
imaginer la « nitescence » de l’oasis dénudé…
« Levons l’ancre »
De tous côtés et dans le tohu-bohu des préparatifs, jaillissaient bruyamment les exhortations à partir en mer : « Mesdames, vous ne le regretterez pas ! Allez, souriez ! Toi aussi, Nayla, il faut que tu souries ! ». Ces mots ressassés à tire-larigot résonnaient dans l’aurore qui pointait à peine et suscitèrent davantage mon intérêt.
La préparation des en-cas et autres gueuletons s’achevait, de même que l’organisation des bardas se finalisait, chacun s’affairant aux tâches dispatchées la veille. Nous voilà désormais prêtes et mûres pour notre villégiature méridionale. Trois quarts d’heure de route nous attendaient, nous devions décaniller dare-dare.
Accompagnées par quatre autres matelots lève-tôt, nous nous dirigeâmes, hésitantes, vers l’esquif accueillant paré à cingler vers Saziley.
Les cabas étaient entreposés sur l’étrave et les tongs jetées nonchalamment à la poupe y resteraient esseulées jusqu’au retour de l’échappée. Installée sur des bancs peints de bois suranné, notre tribu d’amazones hissa des voiles oniriques et largua les amarres vers une nouvelle destinée. L’ambiance, comme le vent, se leva et s’anima progressivement ; notre timonier manœuvra la godille et nous voguâmes avec lui, confiantes, vers des songes en plein kashkasi.
Cadencées par les flip-flap de la mer, nous entrevoyions rapidement l’îlot légendaire. Accrue par ces eaux translucides qui l’encerclent, la nitescence de cet oasis dénudé nous aveugla presque. Sternes et congénères s’enfuirent, alertés par le vrombissement du moteur. Bientôt notre chaloupe se braqua, stoppée par l’amoncellement séculaire de sculptures madréporaires broyées au gré des marées. Nous découvrîmes cet erg aux dimensions exiguës.
Les empreintes et stigmates d’un réveil dès potron-minet s’évanouirent, extasiées que nous fûmes devant tant de vénusté. Les regrets s’estompèrent
La quiétude du ressac reposait nos âmes et nos pouls s’orchestraient, rythmés par les allers-retours des vagues. Le soleil gagnait sa course au zénith et la touffeur accablait nos corps rendus quasi asthéniques. Nous tentions de glaner la fraîcheur superficielle en nous arrosant le visage, chacun notre tour, agréables tours de maji. Mais déjà, le glas du départ de notre nautonier retentit.
À notre grand dam, nous nous hissâmes prestement, agitées, sur le plat bord de notre canot tanguant. Le flot de marée menaçait le tirant d’eau à cause de nos moult acrobaties cocasses dans nos saluvas trempés. Notre pêcheur dut jouer de son hors-bord sur le platier de la grande plage de Saziley où subsistent quelques familles de scléractiniaires et gorgones.
Une fois le bateau amarré, nous débarquâmes, partîmes en quête d’un espace ombragé et déposâmes paniers et havresacs, sous l’ombre d’un baobab colossal garni de bouyous. Mabawas, poulets grillés et chaoulas, la bonhomie du voulé atteignit son apogée lors de l’escarmouche générée par le partage des sot-l’y-laisse. Victuailles délestées, nos programmes postprandiaux dérobèrent au temps toute pensée délétère. L’acmé de notre ataraxie fut atteinte quand, émues et estomaquées, nous vîmes émerger de nouveau-nés chénolidés tentant de se frayer fébrilement un chemin vers le large mahorais.