L’immigration illégale: une véritable industrie et un enjeu économique

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Deux kwassas et un moteur saisis le 15 avril dernier
Les kwassas sont devenus une industrie à part entière à Anjouan

La chose est connue : l’immigration illégale à Mayotte n’est pas seulement une question politique. Comme le rappelle l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) dans son rapport de mission dans notre département, c’est un véritable business qui s’est développé «au détriment des droits fondamentaux».
L’association consacre un chapitre à un véritable secteur économique, du côté anjouanais comme à Mayotte.

Côté comorien, on trouve tout d’abord la fabrication des kwassas, ces embarcations mesurant entre 7 et10 mètres de long et un mètre de large. Elles sont certes utilisées depuis plusieurs siècles pour faire la jonction entre les quatre îles comoriennes mais celles-ci visent à transporter jusqu’à 50 personnes dans les bras de mer de 70km qui sépare Anjouan de Mayotte.

Cette fabrication des kwassas «est devenue une véritable industrie», note le rapport, d’autant que nombre d’entre eux ne font qu’une seule traversée avant d’être arraisonnés dans les eaux mahoraises. Après interception, ces kwassas sont détruits par les autorités françaises et les moteurs revendus loin de chez nous. «Des centaines d’embarcations sont ainsi entassées sur Petite Terre, à proximité de l’usine de dessalement sur la route D10, attendant d’être détruites par les autorités françaises», ont constaté les représentants de l’Anafé dépêchés à Mayotte.

«Selon les officiers de la PAF, il s’agit d’un ‘marché très juteux’ et rien ne serait fait pour limiter ce commerce», relève le rapport.

Le voyage

Stockage en Petite Terre des kwassas interceptés
Stockage en Petite Terre des kwassas interceptés

Vient ensuite le «commerce de la traversée». Les tarifs sont connus entre 300 euros par personne pour une traversée «classique» et jusqu’à 2.000 euros pour un kwassa «privé» de 2 ou 3 passages ou «sanitaire» pour transporter des personnes malades. Le prix de la traversée augmente au fur et à mesure que le nombre de migrants diminue et que les conditions de sécurité sont renforcées.

«Ainsi, les entraves mises en place par les autorités françaises entraînent (comme c’est le cas ailleurs) un véritable business des voyages dangereux à destination de Mayotte et constitue une manne pour les passeurs», explique le rapport.

L’immigration et l’économie mahoraise

Du «côté français aussi, l’immigration est un facteur pour ‘booster’ l’économie locale», note le rapport. «Si les autorités ne cessent de clamer que Mayotte fait l’objet d’une ‘pression migratoire hors du commun’, l’immigration fait tourner une partie de l’économie mahoraise», explique l’Anafé.

Quelle que soit leur situation administrative, de nombreux Comoriens travaillent et sont même parfois «exploités par les Mahorais», dit le rapport. «Et ces derniers se ‘débarrassent’ des Comoriens (lorsqu’ils sont en situation irrégulière) dès qu’ils n’en ont plus besoin ou pour éviter de les payer». Une réalité incontestable qui ne vaut tout de même pas généralisation.

Deux kwassas récupérés par la gendarmerie sur l'îlot Mtsamboro le 3 mars 2015 et destinés à être détruits
Deux kwassas récupérés par la gendarmerie sur l’îlot Mtsamboro le 3 mars 2015 et destinés à être détruits

De véritables petits marchés économiques

Les Comoriens représenteraient également une source de revenus non négligeable pour des Mahorais qui «loueraient sans contrat de bail certaines de leurs parcelles de terrain à des Comoriens et profiteraient des opérations de ‘décasage’ pour se ‘débarrasser’ de locataires devenus indésirables.»

Autre business de la précarité lié à l’immigration, «les familles d’accueil, seul système qui fonctionne (très) relativement à Mayotte en termes d’aide sociale à l’enfance, est un véritable marché: 3.600 euros par mois pour l’accueil de trois mineurs isolés, 6.000 pour 6 enfants», précise l’association.

Les entreprises de nettoyage, de restauration et des associations sont également partie prenante de ce secteur d’activité. Elles «reçoivent des financements importants pour assurer des missions», par exemple auprès des mineurs isolés étrangers ou auprès des demandeurs d’asile.

Le marché de l’éloignement

Le Maria-Galanta
Le Maria-Galanta

Enfin, l’éloignement est aussi un secteur qui tourne à plein régime, «vu l’ampleur des moyens mis en place et le renforcement régulier du personnel des forces de l’ordre».
Outre la construction du CRA qui reste une des réalisations les plus importantes de l’Etat à Mayotte, les voyages retour sont une manne.

La société SGTM qui assure les liaisons maritimes entre Anjouan et Mayotte avec le «Maria Galanta» a répondu à un marché public et «réserve des places pour les étrangers éloignés du territoire vers les Comores. Elle met un navire et son équipage à la disposition de l’administration si le nombre de personnes à renvoyer est supérieur à cinquante ou s’il n’y a pas de navette» comme par exemple le dimanche, indique le rapport de l’Anafé… Tout ceci représente évidemment une part importante de son chiffre d’affaires: environ 20.000 personnes sont reconduites chaque année.

Ainsi, l’association en tire la conclusion que «l’éloignement et plus largement l’immigration représentent un véritable business des deux côtés de la frontière, au détriment des droits fondamentaux des migrants et notamment le droit à la dignité et à la vie».
Si ce constat a déjà été fait à de nombreuses reprises, la conséquence n’en a jamais été tirée: pour mettre fin à ce qui s’apparente à un véritable trafic d’êtres humains entre nos îles, il faudrait imaginer mettre un terme à l’activité de nombreuses petites entreprises impliquées dans ces voyages, qui elles, ne connaissent pas la crise.

RR
www.lejournaldemayotte.com

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