Les factures portent notamment sur la période où l’eau arrivait au robinet moins d’un jour sur trois. Elle est toujours non potable en l’état. Il faut en effet la faire bouillir 5mn avant de la consommer. Un état sanitaire dégradé s’en était suivi, avec une augmentation des cas de diarrhées.
Sur la facture, le mot « potable » a disparu, et une remise de 35% est faite par le Syndicat des Eaux et de l’Assainissement. Plus de 35% en réalité, puisque la SMAE-Vinci, société qui a obtenu la délégation du service public de l’eau potable, a accordé une ristourne de… 2%. De l’eau potable à 2% prés, l’arbitrage est vite fait…
« Je ne peux pas faire plus. J’ai des salariés et la société d’affermage (la SMAE) à payer ! », nous déclare Mohamadi Bavi, le président du Sieam. Il effectue en parallèle des démarches pour obtenir des indemnités de l’Etat pour situation exceptionnelle, « mais sans garantie ».
« Exonération des factures d’eau »
La Fédération mahoraise des Associations environnementales (FMAE) s’était mobilisée en amont, sûre du coup des factures : « Selon l’article L.1321-1 du code de la santé publique ‘Quiconque offre au public de l’eau en vue de l’alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit, est tenu de s’assurer que cette eau est propre à la consommation’. « Nous avons adressé un courrier à Roukia Lahadji, 1ère vice-présidente de l’Association des Maires de Mayotte, pour qu’elle porte une double demande auprès du Sieam : une exonération des factures d’eau et une aide sur l’eau en bouteille », explique Ali Madi, le président de la FMAE.
Qui avait fait son calcul : « Habituellement j’ai de l’eau potable tous les jours à mon robinet pour 100 euros par mois. Actuellement, je dois débourser 180 euros d’eau en bouteille et d’eau du robinet non potable, et moins d’un jour sur deux, puisque nous sommes coupés à 8h et remis en eau à 10h seulement le lendemain. Mon budget va donc en grande partie dans la caisse de Mayco, qui représente notamment la multinationale Coca-Cola. Nous demandons donc une aide pour ces habitants. Une partie des élus reconnaissent qu’ils ont fait des erreurs sur cette compétence communale qu’est l’eau, mais nous continuons à privilégier les financiers ! »
Toujours des problèmes sur le terrain de la 3ème retenue
Ce qu’il ne digère pas, c’est le mandat donné par 8 communes aux délégués communaux du Sieam d’une exonération totale des factures, « et ils ont voté 35% de réduction. »
Ils se sont réunis aujourd’hui à Sada, pour demander un accès quotidien à l’eau et pour travailler sur le montant des factures. « Nous réfléchissons à la création d’une Fédération des consommateurs d’eau pour interpeller de manière unitaire le la préfecture, le Sieam, et le conseil départemental. Ce dernier doit peser de tout son poids pour trouver une solution sur le terrain de la 3ème retenue collinaire. » Il manquerait encore des terrains pour concrétiser l’échange. La famille Bamana bloque donc de nouveau la transaction. Un véritable challenge pour l’île qui demande un effort de tous dans l’intérêt général.
Combani presque à 80%
Ali Madi appelle les syndicats qui abritent en leur sein des associations de consommateurs à les réveiller de leur sommeil pour proposer des solutions réfléchies et concertées, « sinon, le gouvernement va nous avoir à l’usure, en prétendant que la période électorale n’est pas propice aux décisions. »
Les coupures d’un jour sur deux sont prolongées dans le Sud et le Centre de l’île, a indiqué la préfecture dans son communiqué du Comité de crise sur la ressource cet après-midi. Grâce aux dernières pluies, les retenues collinaires se sont remplies, le niveau de celle de Combani atteint 79,4% et celle de Dzoumogné, 31,8%. Elles ne sont pas ponctionnées, « nous prenons dans les captages et rivières et les forages. Ils sont beaucoup plus nombreux au nord », explique Bavi, justifiant que cette partie de l’île soit épargnée.
Des travaux ont été engagés pour économiser le moindre mètre-cube, à l’image des habitants qui économisent chaque goutte de cet or bleu.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte