Dans les prochaines semaines, la Commission européenne doit diffuser une «communication» sur les régions ultrapériphériques (RUP) de l’Europe dont Mayotte fait partie depuis 3 ans. Ce texte donnera des indications sur les intentions de la Commission Juncker alors que l’Europe doit définir une nouvelle stratégie vis-à-vis de RUP cette année.
Mais vendredi dernier, les RUP ont décidé de ne pas attendre de savoir à quelle sauce elles allaient être mangées. Elles ont pris les devants. Après avoir longuement planché, elles ont remis à Jean-Claude Juncker un «mémorandum» pour obtenir des engagements de la Commission. (Voir le memorandum_rup2017)
Ce sont 150 propositions réunies dans un document de 114 pages, qui brosse en 17 thèmes tous les liens qui unissent les régions ultrapériphériques à l’Europe, de l’énergie aux aides d’Etat, du numérique à la fiscalité, de l’environnement aux transports…
La philosophie générale est un appel à la mise en cohérence de politiques qui se sont empilées au fil des années et qui ne vont plus forcément dans l’intérêt de nos territoires.
C’est par exemple le cas du chapitre sur les «accords commerciaux internationaux». Il dénonce une commission qui favorise le commerce avec des pays qui peuvent être nos voisins, sans leur demander de respecter les normes sociales ou environnementales qui sont les nôtres.
Mayotte est citée à plusieurs reprise dans ce mémorandum. Ainsi, au chapitre «agriculture et développement», les RUP regrettent «la non prise en considération de Mayotte et Saint-Martin dans le calcul des dotations financières allouées au titre du POSEI» et demande d’y remédier.
Concernant la pêche, les RUP dénoncent une «interdiction des aides à la flotte» qu’ils jugent «encore plus paradoxale dans le cas de Mayotte qui bénéficie d’une dérogation jusqu’en 2025»… sachant que sans aides publiques, rien ne peut se faire dans ce domaine.
Mayotte, le Lampedusa de l’océan Indien
Si ces sujets sont attendus, les RUP demandent aussi que l’Europe joue pleinement son rôle dans des secteurs où elle est absente de nos régions, comme par exemple sur l’immigration. «Mayotte est le Lampedusa de l’océan indien, puisqu’on peut compter plusieurs milliers de morts depuis 1995 dus à des naufrages de bateaux», expliquent les RUP à la Commission européenne. «Plus de 90% de l’activité de l’aide sociale à l’enfance est une conséquence directe de l’immigration clandestine.» D’ailleurs, cette «forte immigration a des répercussions importantes sur l’ensemble des politiques publiques : l’éducation, les services d’eau et d’assainissement, la gestion des déchets, le transport, l’offre médico-sociale, sportive et culturelle», précise le mémorandum.
Les RUP veulent que l’Europe conduise «une gestion solidaire des frontières» et «une vraie politique de l’immigration dans les RUP». Les RUP demandent «une enveloppe affectée aux régions assumant seules la responsabilité» des mineurs isolés et d’être associés aux dispositifs d’observations et de décisions sur les questions d’immigration.
Elles veulent aussi qu’une «analyse soit menée sur l’opportunité pour les RUP françaises d’être intégrées dans l’espace Schengen».
Objectif : stratégie 2020
Pour les RUP également, «devant la persistance d’une situation économique et sociale fragile, l’accroissement des moyens de la ‘politique de cohésion’ après 2020 devra constituer un axe prioritaire, en particulier dans le cas de Mayotte.» Car cette année 2020 est bien l’objectif commun, la date au-delà de laquelle sa nouvelle stratégie deviendra une réalité. Il faut donc tenter de peser et de se faire entendre au moment où elle l’élabore.
C’est dans cette optique, que le Parlement européen veut également donner son point de vue, en demandant à l’eurodéputé Younous Omarjee de plancher sur un rapport pour «promouvoir la cohésion et le développement dans les régions ultrapériphériques». Cette fois-ci, ce sont 49 points politiques qui sont clairement posés. Le rapport doit encore suivre le cheminement habituel pour être adopté puis remis au président Juncker.
L’article 349
Son objet principal est l’application pleine et entière de l’article 349 du traité de Lisbonne, qui permet d’obtenir des dérogations aux réglementations européennes pour ne pas pénaliser les spécificités des RUP. «Il est urgent d’agir et nous avons la base juridique nécessaire pour le faire maintenant», expliquait Younous Ormajee lors du forum de Bruxelles jeudi dernier.
«Il faut venir réparer les dégâts créés par une politique communautaire», avançait le député avant de réclamer, comme tous les présidents de RUP, l’application pleine et entière de cet article 349. «Nous devons réagir aujourd’hui car maintenant nous n’avons plus de temps à perdre!»
L’avenir dira si cet activisme va réussir à peser sur les choix d’une Europe si souvent accusée d’oublier les intérêts de ses peuples, ceux du continent et peut-être plus encore ceux de la périphérie.
RR
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