Une fusée peut faire la pluie et le beau temps

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Bernard Cazeneuve a refusé la demande de Plan d'urgence de 2,5 milliards d'euros du Collectif guyanais
Bernard Cazeneuve a refusé la demande de Plan d’urgence de 2,5 milliards d’euros du Collectif guyanais

Depuis que les 500 Frères ont mobilisé les Guyanais qui ont fait cause commune comme s’ils n’étaient qu’un, les Mahorais ont commencé à se regarder du coin de l’œil et à se compter. Combien seraient-ils à se lever comme un seul homme ? Il faut sans doute davantage compter sur 500 Sœurs à Mayotte où les femmes sont historiquement meneuses. Mais, nous n’y sommes pas. Pas encore.

La construction du département est trop récente ici. Les intérêts sont encore trop divergents, les partenaires sociaux n’ont pas encore appris à travailler ensemble, l’application du Code du travail nous en a fourni une preuve. Et 2011 un arrière-goût de catastrophe.

D’autres part, si les Guyanais se disent oubliés, c’est un statut que notre territoire connaît trop bien pour arriver à s’en émouvoir encore. C’est presqu’une deuxième peau. La grande première, ce sont les excuses « pour des années de sous-investissement » d’une ministre des Outre-mer, que les métropolitains découvrent. Le journal les Echos faisait mine de s’étonner de son existence, la meilleure preuve que les médias nationaux ne s’intéressent pas non plus à leurs DOM, et aux multiples déplacements qu’Ericka Bareigts leur a consacrés.

Les excuses d’Ericka Bareigts

Un accueil chaleureux, mais la mairie de Chirongui a pesé ses mots
Ericka Bareigts à Mayotte le mois dernier sur la crise de l’eau

Une grande femme politique est née chez ce petit bout de femme, « ma petite personne », a-t-elle déclaré aux Guyanais, qui montre une empathie non feinte pour les territoires qu’elle visite. N’ayant pas craint de venir à Mayotte en pleine crise de l’eau, elle aura fait pour l’île davantage que ses deux prédécesseures Penchard et Pau-Langevin réunies, Lurel l’ayant soulagé par ses textes d’encadrement des prix. Jamais notre territoire n’aura été autant doté. Il est vrai sous l’impulsion de la Cour des Comptes, qui aura sauvé un bout de notre jeunesse en déclarant en janvier 2016 la départementalisation de l’île, « réforme mal préparée et mal pilotée ».

Et en prévenant : « L’Etat s’est engagé dans une augmentation très sensible de son effort budgétaire en faveur de Mayotte, passant de 680 millions d’euros en 2010 à 889 millions en 2014, semblant adopter une logique de rattrapage par rapport aux autres DOM », mais sans l’avoir réellement programmée en termes budgétaires, « ce qui engendre un risque de dérapage réel ».

Les demandes de Mayotte vont bien au delà de l’accès à l’eau potable, puisqu’il s’agit, plus qu’en Guyane de mettre en place les structures de base, assainissement, réseaux routiers et maritimes, entre autre, qui permettrait d’asseoir une perspective de développement. La France a vendu Mayotte à l’Europe avant même de la structurer.

Repenser le cadre des relations avec la métropole

Grève pour l'indexation en mars 2013

Bien que la Guyane ait derrière elle plus de 70 ans de transferts de fonds nationaux, elle estime nécessaire au regard des retards de basculer vers un « nouveau statut ». Le collectif « Pou La Gwiyann dékolé » (Pour que la Guyane décolle) pense le territoire trop éloigné des centres de décisions hexagonaux, évoque un lien « trop centralisé et vertical avec Paris », qui empêche la Guyane « d’avancer », et un cadre réglementaire « pas du tout en adéquation avec la réalité guyanaise. »

Le collectif a déploré la réponse du gouvernement, « elle a été ‘non’, à cause de la consultation de 2010 », où les Guyanais n’avait pas voulu de l’indépendance.

Dommage qu’à l’heure où les matières grises des candidats à la présidentielle s’agitent dans des directions multiples, du revenu universel à la suppression de la taxe d’habitation en passant par la suppression des régions, que la relation aux outre-mer ne soit pas interrogée.

Si le gouvernement a accepté de débloquer immédiatement un milliard d’euros pour la Guyane dans les domaines de la justice, de l’éducation, de la sécurité et de la santé, c’est qu’en dehors de l’argument du chèque en bois signé sur le départ, la menace d’une fusée Ariane restée au sol se chiffre mieux que des heures passées dans les bouchons matinaux du littoral mahorais, ou qu’une déficience de pluviométrie. Les gouvernements français ne connaissent que les rapports de force et on peut parier que le jour où les richesses sous-marines seront exploitables, Mayotte aura sa monnaie d’échange, comme la Guyane maintenant.

Alors pour l’instant, oui, une fusée peut faire la pluie et le beau temps… loin de chez nous, hélas.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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