La Défense des Intérêts de Mayotte du CODIM est passée depuis plusieurs mois, par des « décasages » au sud et au nord de l’île. Un procès s’est tenu il y a 10 jours, dont le délibéré doit tomber le 26 avril. Difficile de dissocier ce jugement de délogement violent d’une personne et de ses enfants, en situation régulière, de l’appel du CODIM (Lire Le CODIM en vrai), qui dénonce dans sa conclusion un « Tribunal qui veut condamner ou a condamné (ceux et celles) pour s’être prétendument fait justice eux-mêmes ».
Les associations humanitaires sont en première ligne de la critique du CODIM qui n’y voit qu’une « défense sournoise du crédo de l’appartenance de Mayotte à l’ensemble comorien, prétextant nos similitudes. Comme si les Suisses francophones étaient des Français, (…) comme si les Lorrains ou les Alsaciens en apparence très germaniques, étaient des Allemands. » Le CODIM rejoint les partisans de l’idée d’un Plan des Comores qui « ont décidé d’envahir l’île et la peupler, pour y faire entendre leur voix dominante ».
Comme l’indique leur nom, le combat de ces associations humanitaires se porte sur la défense des droits de l’homme, en particulier les exclus, et donc, prend en charge ceux qui en subissent les atteintes, qui sont à majorité issus des îles d’à côté. Ce qui peut s’assimiler à tort à une volonté idéologique d’un rapprochement des Comores, et qui donne une illusion de sur-protection, « quel intérêt d’être dans la légalité si on a plus de droit à ne pas l’être sur le territoire de Mayotte », critique le CODIM. C’est oublier les 20.000 expulsions du territoire chaque année.
« Pour chercher une protection, mieux vaut être Russe ou Chinois »
Comment rapprocher les deux points de vue qui semblent inconciliables ? Si le CODIM reconnaît que « l’objet de ces associations est louable dans un contexte normal », il liste les difficultés réelles qui se posent sur le territoire, qui ont déjà été portées à la connaissance des différents ministres qui se sont succédé à Mayotte : difficulté d’accès aux services publics, « inaccessibilité de tous les dispensaires et du CHM, des rendez-vous médicaux fixés aux calendes grecques », les tensions sur le foncier, « nos champs et nos terres pillées, volés », « des occupants illégaux (avec ou sans le consentement) » des propriétaires, « les files d’attentes devant les services fiscaux, la préfecture ».
Le CODIM y rajoute la délinquance qui est en partie liée à l’immigration illégale, une délinquance de survie.
La coopération qui est avancée par l’Etat comme la seule voie de résorption du fossé entre Mayotte et l’Union des Comores, ne trouve plus grâce aux yeux de la plupart des Mahorais, faute pour l’Etat d’avoir mis des moyens conséquents. « Pour coopérer, il faut être deux », rajoute le CODIM, « l’Etat comorien continue à revendiquer Mayotte, pourquoi diable irions-nous coopérer avec ? » Un Etat qui ne protège pas le territoire, déplore-t-il, « pour chercher protection, il fait bon de nos jours être Russes ou Chinois ! »
Une coopération régionale qui n’a plus la cote
En cette période d’élections présidentielles, les candidats qui prônent une coopération à Mayotte, sont courageux face à un CODIM qui identifie leurs représentants locaux comme des « Serrez-la-main* ». C’est pourtant avec une perspective de développement locale que les habitants des îles voisines souhaiteront y rester pour y travailler. A cet égard, on peut ouvrir une parenthèse qui va dans leur sens, et s’interroger sur l’impact du don de dizaines de millions de dollars de l’Arabie Saoudite à l’Union des Comores, ou sur les Fed successifs, dont l’actuel de 68 millions d’euros.
On a vu l’accueil royal réservé à Marine Le Pen à Mayotte, et le CODIM n’était pas en reste. Ses membre se défendent en donnant leur point de vue, « Mayotte est notre seule terre, c’est notre chez nous. Et il n’y a rien de raciste en cela. Et il n’y a rien de xénophobe en cela », qui reste proche de celui de ces associations de Calaisiens qui ont protesté pour les mêmes raisons lors de l’arrivée des syriens.
Le CODIM revient sur l’affaire du « décasage » et la volonté exprimée du président du TGI d’une Justice « facteur de cohésion sociale et non d’exclusion sociale ». Il reconnaît une « intention louable » des hommes en robe, mais les appelle à tenir compte « du contexte particulier de Mayotte et des Comores ».
La superficie de l’île de 374km2 n’est pas extensible. Et plus personne ne veut assister aux violents décasages qui avaient jeté des femmes et des enfants à la rue. Reste donc à trouver un modèle de développement qui intègre toutes ces contraintes, et qui ne passera que par une discussion entre les différentes parties. Et, tout en faisant respecter la loi, une pédagogie sans jugement hâtif d’un côté comme de l’autre, devient indispensable. Car, en matière de loi justement, l’attitude de l’Etat a besoin d’être clarifiée : « Est-il nécessaire de rappeler que les anciens collectifs qui expulsaient le trop plein de clandestin, mettaient un point d’honneur à mener leurs actions sous le contrôle des forces de l’ordre ? », conclut le CODIM. Qui appelle les Mahorais à se rassembler.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Partisan du rapprochement de Mayotte avec les Comores