«La jeunesse de notre île devrait être considérée comme un atout et non comme une charge pour la République française”, a annoncé d’emblée Abdou Soimadou Dahalani, le président du Cesem, ce mercredi après-midi lors de la séance plénière du conseil départemental sur le thème de l’éducation.
Pendant près de deux ans, le Cesem a entrepris une analyse en profondeur des dysfonctionnements dont souffre le système éducatif à Mayotte. Il en a tiré un rapport concluant qu’il devait être entièrement refondé, afin que les enfants de notre île aient les mêmes chances que ceux des autres départements. L’intitulé de la séance plénière contenait d’ailleurs en lui-même le fond du propos: « L’école de la République à Mayotte : une exigence d’égalité ».
L’éducation, 1er maillon du développement du territoire
Le rapport du Cesem commence par un constat accablant: les résultats scolaires restent très faibles à Mayotte, qui se classe dans les derniers rangs des évaluations nationales. Pour le Cesem, ce fiasco résulte de 30 ans d’une politique éducative consacrée au « rattrapage » du niveau scolaire à Mayotte alors que, selon lui, le système devrait plutôt être « refondé » et s’adapter d’une manière plus concrète aux particularités socio-cultuelles de l’île.
Dans son rapport, le Cesem dégage trois grandes raisons qui expliquent la faiblesse du système éducatif à Mayotte : le manque de locaux et d’équipements adaptés, le manque d’enseignants qualifiés et le manque de structures garantissant la nourriture et le repos des élèves. « Mayotte souffre de beaucoup de handicaps qui exigent davantage de moyens que les autres départements », précise Abdou Dahalani. « Il est toutefois de la responsabilité de l’Etat de réussir à remonter le niveau scolaire de notre île », ajoute-il avant de conclure que l’éducation est « le 1er maillon du développement d’un territoire ».
Pour trouver des solutions adaptées au territoire, les membres du Cesem ont observé ce qui se faisait dans les autres DOM, à La Réunion notamment. Ils y ont effectué de nombreuses auditions dans les domaines associatifs et parmi le personnel des écoles privées afin de savoir comment ces professionnels faisaient pour lutter contre l’échec scolaire. De cette enquête sont nées 9 propositions d’amélioration du système.
Normaliser l’organisation administrative
Pour le Cesem, il est aujourd’hui nécessaire d’abandonner le système éducatif particulier de Mayotte pour s’aligner sur le système national. Cela passerait notamment par la création d’un véritable rectorat sur l’île. « Il est temps à présent de normaliser l’organisation administrative de l’éducation à Mayotte », affirme le président du Cesem. C’est pour lui une condition sine qua non pour garantir l’égalité des chances de tous les élèves devant l’école.
La refonte du système devrait également passer par un investissement massif dans les équipements. Le Cesem propose notamment la mise en place d’une véritable restauration scolaire pour tous les élèves et non plus une simple « collation scolaire » comme c’est le cas aujourd’hui. La création d’internats dans tous les collèges et lycées permettrait également d’éviter aux élèves les longs trajets en bus le matin et le soir, qui ne favorisent pas leur concentration durant la journée.
Former des enseignants locaux
D’autre part, le Cesem propose de favoriser la venue de professionnels certifiés à court terme afin d’accompagner la professionnalisation des enseignants locaux. Un grand nombre de contractuels, parfois peu qualifiés, sont en effet employés par le vice-rectorat. Ce manque de qualification est un frein à la réussite des élèves, mais il est néanmoins indispensable d’encourager l’emploi d’enseignants locaux afin que Mayotte ne dépende plus autant de la métropole à ce niveau.
Pour améliorer le système éducatif, il faudrait également travailler le lien école-parents. Le très fort taux d’illettrisme à Mayotte empêche en effet la plupart des parents de soutenir les apprentissages de leurs enfants. Selon le Cesem, il faudrait donc favoriser la rencontre entre enseignants et parents et leur ouvrir davantage l’école.
Une pédagogie adaptée
Pour le Cesem, le système éducatif mahorais devrait aussi adopter une pédagogie différenciée adaptée à chaque élève. L’enseignement des langues locales (shimaore et kibushi) devrait être mis en place dès la maternelle afin de ne pas couper trop brutalement l’enfant de son contexte socio-culturel et linguistique, césure souvent génératrice d’échec scolaire.
Dans le même ordre d’idée, le Cesem propose de faire cohabiter l’enseignement laïc et l’enseignement confessionnel. La majorité des élèves mahorais vont en effet à l’école coranique en parallèle de l’école laïque. Or les deux systèmes sont organisés d’une manière tellement différente que beaucoup d’enfants ne parviennent pas à trouver leurs repères entre ces deux mondes. Le développement de l’enseignement privé musulman sous contrat d’association avec l’Etat ou encore la promotion d’utilisation des locaux scolaires pour les associations confessionnelles, font partie des pistes de réflexion proposées.
Valoriser la lecture et le sport
Afin d’ouvrir l’esprit des jeunes Mahorais sur le monde, le Cesem propose enfin de renforcer le réseau de lecture publique et de faciliter l’accès aux ressources numériques. Comme un esprit sain ne va jamais sans un corps sain, il propose en parallèle de donner au sport la place qui lui revient au sein de l’éducation. La mise en place de filières de sports de haut niveau est notamment envisagée dans les lycées.
Le programme de refonte proposé est donc bien chargé mais, pour le Cesem, ce n’est qu’à ce prix que Mayotte pourra prétendre rattraper le niveau national en matière d’éducation.
NG
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