Elle n’est arrivée en tête dans aucun des 11 Outre-mer mais la candidate du Front national, en 2e position dans la majorité d’entre eux au point de totaliser le plus grand nombre de voix sur l’ensemble des outre-mer. Elle est devant Jean-Luc Mélenchon et François Fillon. Emmanuel Macron n’arrive qu’en 4e position.
D’ailleurs, Marine Le Pen a salué dès dimanche soir «nos compatriotes d’Outre-mer qui ont exprimé à mon égard une confiance qui m’honore». Le FN a longtemps été absent des territoires ultramarins, mais il a réussi à s’implanter progressivement et les visites de Marine Le Pen ont joué à plein, comme en Guyane ou à Saint-Pierre et Miquelon. Aux européennes de 2010, le parti d’extrême droite avait obtenu plus de 10% des voix en moyenne.
Lors de ce 1er tour des présidentielles, Marine Le Pen a recueilli plus de 32% des voix en Polynésie et 29% en Nouvelle-Calédonie, derrière François Fillon. Chez nous, elle a aussi réalisé plus 27% des suffrages, 24% en Guyane et 23,5% à La Réunion.
«Désormais, les outre-mer ne sont plus des digues pour le FN », note le Réunionnais Patrick Karam, ancien président du CReFOM, le conseil représentatif des Français des Outre-mer.
Déception et colère
Cette poussée du FN ne surprend pas Yves Combeau, universitaire et politologue à La Réunion, où en 5 ans, Marine Le Pen a plus que doublé son score. Comme à Mayotte, «ce vote était perceptible dans les conversations», explique-t-il, le mettant en corrélation avec une abstention elle aussi très élevée. «Il exprime un désengagement très fort, une colère sur les questions sociales et les sujets du quotidien», estime M. Combeau, mais aussi «une déception par rapport aux élus, et le fait que les outre-mer ne sont pas entendus».
Pour la ministre des Outre-mer Erika Bareigts, il y a dans ce vote «un rejet des partis traditionnels. Je l’interprète également comme une volonté de changement profond de la relation des Outre-mer à l’Hexagone».
Adaptation et ciblage des territoires
Durant la campagne, la dirigeante frontiste a accordé une attention particulière aux ultramarins, avec un programme spécifique. «Elle était la seule candidate à avoir presque systématiquement parlé des outre-mer dans ses discours et ses interventions médiatiques», note Patrick Karam.
«Elle a stratégiquement travaillé», confirme Christiane Rafidinarivo, politiste et chercheuse invitée au Centre de recherches politiques (CEVIPOF-Sciences Po). «Elle a présenté une politique Outre-mer axée sur le développement maritime» et «elle a pris la peine de faire campagne», «en adaptant ses thèmes» et «en ciblant les territoires», note la chercheuse, citant l’exemple de Mayotte, où la candidate a dénoncé la forte pression migratoire venant des des Comores et défendu l’exaspération des villageois mahorais.
Relais locaux
La leader frontiste peine encore à se rendre aux Antilles, où elle est, comme son père avant elle, empêchée d’atterrir par des militants de gauche hostiles. Mais l’image des Antilles imperméables au FN n’est plus de mise. Marine Le Pen a réalisé une hausse historique de 8 points en Guadeloupe (13,51% des voix), et de 6 points en Martinique (11%).
Depuis la dernière présidentielle, la candidate frontiste a «travaillé ses relais locaux» dans les territoires, sur le plan politique, en ouvrant des antennes du FN, mais surtout dans la société civile, analyse Mme Rafidinarivo.
En Nouvelle-Calédonie, où le FN n’a pourtant aucun élu territorial, c’est l’approche du référendum d’autodétermination et la radicalisation du discours de la frange la plus à droite des non-indépendantistes qui a profité à Marine Le Pen.
En Polynésie, où 20 élus lui ont accordé leur parrainage, elle a bénéficié du soutien de l’ancien président du territoire, Gaston Flosse, qui a appelé à voter pour elle, et reste très populaire malgré ses condamnations.
Voici les résultats dans les Outre-mer du 1er tour de la présidentielle 2017.
La Réunion.
Jean-Luc Mélenchon est en tête avec 24,53% devant Marine Le Pen (23,46%) qui double son score en 5 ans. En 2012, elle avait obtenu (10,31%). Emmanuel Macron est 3e avec 18,91% suivi de François Fillon (17,26%). Benoît Hamon rassemble 7,67% des suffrages.
Guyane.
La Guyane, marquée par un conflit social de plus d’un mois qui a largement occulté la campagne, a placé Jean-Luc Mélenchon en tête (24,72%) au coude à coude avec Marine Le Pen (24,29%) qui a séduit avec son discours anti-immigration dans un département concerné par l’insécurité et les flux massifs de migrants en provenance du Surinam et du Brésil. Emmanuel Macron obtient 18,75% et François Fillon 14,6%. L’abstention est de 65,31% et le nombre de bulletins blancs atteint un record: 11%.
Martinique.
Traditionnellement à gauche, la Martinique a choisi Jean-Luc Mélenchon (27,36%) devant Emmanuel Macron (25,53%). François Fillon devance Marine Le Pen (10,94%) et Benoît Hamon (9,75%). Abstention : 60,12%.
Guadeloupe.
Dans un contexte d’abstention record (59,96%), Emmanuel Macron arrive en tête (30,22%) devant Jean-Luc Mélenchon (24,12%), François Fillon (14,52%) et Marine Le Pen (13,51%) qui progresse de 8 points par rapport à 2012. Le candidat d’En Marche! était soutenu par le président de la région. Le candidat de la France insoumise, grâce à une campagne très active, multiplie son score par 5 en cinq ans.
Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Dans les 2 collectivités dont les présidents LR soutenaient Français Fillon, le candidat de la droite obtient 32,02% devant Marine Le Pen (23,32%) et Emmanuel Macron (19,99%).
Saint-Pierre et Miquelon.
Jean-Luc Mélenchon est en tête (35,45%) devant Marine Le Pen (18,16%) et Emmanuel Macron (17,97%). François Fillon et Benoît Hamon sont sous les 10%.
Nouvelle-Calédonie.
François Fillon est arrivé en tête (31,13%) devant Marine Le Pen (29,09%) dans ce territoire traditionnellement à droite. Le Front national avait obtenu 11,6% il y a 5 ans.
L’approche du référendum d’autodétermination et la radicalisation de la frange la plus à droite des non-indépendantistes a profité au FN. Benoît Hamon soutenu par plusieurs partis indépendantistes ne passe pas la barre des 10%, derrière Emmanuel Macron (12,76%). Abstention: 51,86%.
Polynésie.
Les deux tiers des votes se partagent entre François Fillon (35,28%) et Marine Le Pen (32,53%). Emmanuel Macron est à 14,7%. Ces scores s’expliquent par les prises de position des deux principaux leaders, Edouard Fritch pour M. Fillon et Gaston Flosse pour Mme Le Pen. Abstention: 61,06%.
Wallis et Futuna.
Emmanuel Macron est en tête (30,48%) après le soutien du député et de plusieurs élus territoriaux. François Fillon est à 28,53% et Benoît Hamon à 25,22%, seul Outre-mer où il dépasse les 10% des voix. Marine Le Pen (7,11%) et Jean-Luc Mélenchon (3,59%) obtiennent ici leur plus mauvais score de l’Outre-mer.
RR
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avec le JIR.