Z.A. réussissait l’exploit d’être jugé dans deux affaires différentes pour des faits similaires lors de la même audience correctionnelle de ce mercredi 3 mai. La substitut du procureur Laurence Prampart demandait d’ailleurs de joindre les deux dossiers.
Ce qui nous valut une nouvelle passe d’armes entre l’avocat du prévenu Me Andjilani, et le président Sabatier, le premier reprochant au second de ne pas le laisser s’exprimer sur cette fongibilité des deux dossiers, lançant un « je peux aussi m’en aller ! », et qui reçut une réponse cinglante, « vous pouvez le faire en effet, mais votre client est quand même condamné à deux ans d’emprisonnement ! » L’audience s’est poursuivie en présence de Me Andjilani.
Z.A arrive menotté, ente deux gendarmes, que le président du TGI interpelle afin que l’un d’entre eux garde la porte du tribunal, restée ouverte pour ces audiences publiques.
Récidiviste dans la négligence
Pour avoir piloté un kwassa où avaient embarqué 22 personnes, arraisonné le 25 décembre 2015 à Bouéni, ce natif de Foumbouni (Anjouan), en situation irrégulière sur le territoire, a déjà été condamné à de la prison ferme, avec mandat d’arrêt. Il a fait opposition. Il réitère le 17 avril 2017 à Acoua, cette fois, avec 14 passagers à bord.
La vice-procureur faisait remarquer que le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) mettait en évidence d’anciennes affaires remontant à 2008 et 2010, pour les mêmes faits, portant les condamnations à 8 mois, puis deux ans, puis une condamnation par défaut avec mandat d’arrêt, et enfin, les deux affaires de ce jour.
Refusant de répondre aux questions dans un premier temps, il demande ensuite à s’exprimer, par le biais de l’interprète, pour tenter de s’exonérer avec des arguments maladroits et peu convaincants : « Je reconnais les faits, mais j’appelle à la clémence du tribunal. Je l’ai fait par méconnaissance, par négligence. Si je le refais, vous aurez la possibilité de m’arrêter. » Une alternative que la justice avait déjà intégrée…
Une somme de « petites mains »
Pour le parquet, Z.A. est bien un cas particulier : « Nous compilons habituellement les affaires de kwassas au sein d’une même audience, mais là, même s’il n’y a pas eu de condamnation pendant 5 ans, écartant la récidive, les mois de prison ferme se succèdent. » Laurence Prampart répète la même litanie, celle « d’un cimetière entre Anjouan et Mayotte, où se noient des enfants qui n’ont pas choisi. Leurs parents espèrent une vie, meilleure, l’est-elle ? »
Elle reste convaincue de l’utilité de la prison pour les passeurs, « sans ces ‘petites mains’, les réseaux n’existeraient pas. J’ai bien conscience que tout cela est la conséquence d’une absence de politique de coopération régionale dont ne veulent pas les Comores. » Trois ans d’emprisonnement avec maintien en détention, sont requis, ainsi que 3.000 euros d’amende, et l’interdiction de séjourner sur le territoire français, « au moins, quand il est en prison, il n’est pas sur le lagon. »
« Ça va mal finir pour lui ! »
Des réquisitions que Me Andjilani juge « exagérées », « je n’ai jamais entendu ça pour un passeur ! » Et dédouane son client : « Il n’est pas responsable de la présence de ces gens à bord, ce sont eux qui ont choisi de mettre leurs vies et celles de leurs enfants en danger. » Il demande du sursis simple.
Z.A sera condamné à 2 ans d’emprisonnement, et à une amende de 800 euros. Le président Sabatier rappelle que pour les peines d’une certaines durée, les prisonniers bénéficient « d’un petit pécule ». Il est interdit de pénétrer sur le territoire français tout en repartant en détention à Majicavo… « Le tribunal a tenu compte de son casier judiciaire pour prononcer sa peine », indique le juge à l’attention de l’avocat. En rajoutant, « qu’on ne le revoie pas, ça va mal finir pour lui sinon ! »
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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