Mayotte pourrait perdre jusqu’à 80% de certaines zones de ses mangroves d’ici 2050

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La mangrove confrontée à l'activité humaine et aux déchets et rejets
La mangrove confrontée à l’activité humaine et aux déchets et rejets

Mayotte a perdu plus de 44 hectares de mangroves en 50 ans. Le chiffre claque et nous permet de comprendre l’ampleur de la modification que nous imposons à cet écosystème familier mais si peu respecté. Sur 72 pages, le comité français de l’UICN (Union internationale de conservation de la nature) établit un constat inédit sur l’état complet de nos mangroves. Car les défrichements, les aménagements, l’urbanisation et les pollutions ont certes entraîné une réduction de la superficie de nos mangroves, mais ils ont aussi modifié leur fonctionnement.

Pour s’en rendre compte, l’UICN propose un panorama dans le temps, comptabilisant les disparitions depuis 1750, durant les 50 dernières années et anticipant les évolutions à venir pour les 50 prochaines années. (Voir le rapport complet UICN Liste rouge Mangroves de Mayotte).

A Mayotte, les mangroves ne sont pas des zones uniformes mais un lieu de vie constitué de 3 parties bien distinctes: les mangroves externes, avec des «fronts pionniers» constitués de palétuviers fleurs (Sonneratia alba) et de palétuviers blancs ; les mangroves centrales et internes avec des palétuviers rouge, gros poumon, jaune, à petites feuilles et des palétuviers pomme (installés en fonction des zones et de la salinité) ; enfin les arrière-mangroves, des formations marécageuses avec une végétation plus diversifiée avec des tannes, des prés-salés et forêts supralittorales.

Les arrières mangroves en danger critique

Chacune d’elles a subi de profondes modifications mais elles ne sont pas impactées de la même façon par l’homme. Les arrières mangroves sont celles qui sont le plus menacées à Mayotte, «largement transformées en zone de culture, en plantations ou en zone de parcage d’animaux pour l’élevage, lorsqu’elles n’ont pas été directement remblayées et urbanisées», explique l’UICN qui les classe «En Danger Critique».
Les modifications sont telles que «cet écosystème ne se trouve ainsi plus qu’à l’état de relique sur les côtes mahoraises.»

Une mangrove mahoraise
Une mangrove mahoraise

Si aucune données n’existe sur les surfaces perdues, les principales modification de cet environnement ont eu lieu depuis 1997, avec une série de grands travaux réalisés à Mayotte: amélioration du réseau routier et implantation de zones d’activités, en particulier autour de Mamoudzou.
Et comme 18 des 26 mangroves les plus étendues de Mayotte se situent à proximité de zones urbaines et en expansion, le danger est très important. «La protection et la restauration de ces sites apparaissent comme une priorité pour sauvegarder ces milieux naturels», souligne l’UICN.

80% des mangroves externes vont disparaître

Les données sont bien plus précises sur les «fronts pionniers» qui font face à la mer : Ils représentent encore 141 hectares et sont classés «vulnérables». Trois sont déjà définitivement perdus et 10 «fronts pionniers» de mangroves sont particulièrement concernés comme à Dapani (50% de régression), Mronabéja (60% de régression) et Chiconi (recul de près de 50 mètres). Les formations pionnières ont également disparu d’une partie du nord de la mangrove de Bouéni, le plus vaste complexe de mangroves de Mayotte (recul de 75 mètres sur un linéaire de près d’1 km).
La vitesse d’érosion semblant s’être accélérée ces dernières années, l’UICN estime que les mangroves extérieures vont connaître une régression comprise entre 60 et 80% jusqu’en 2053, après un recul de 25 à 30% depuis 1969.

Constructions de routes, extension des zones urbaines, rejets d’eaux usées… Pour l’UICN, il est urgent de repenser beaucoup de choses. «Un changement des pratiques d’occupation des sols est nécessaire pour ralentir voire stopper cette érosion, d’autant que les changements climatiques vont probablement accentuer la vulnérabilité de ces mangroves à l’avenir (hausse du niveau marin, intensification des vents et de la houle…)».

L’importance d’un travail de long terme

Les pêcheurs (en bas à gauche), vendent du poisson à peine sortie de l'eau mais puisé dans les nurseries du lagon
Certaines mangroves ont été totalement réaménagées comme ici celle de Kawéni

Si nos mangroves sont attaquées des deux côtés, leur centre semble davantage préservé. Évaluées en «Préoccupation Mineure» pour l’UICN, les mangroves centrales et internes ne semblent pas menacées à court terme, mais restent confrontées à des défrichements et des rejets d’eaux usées dont les impacts n’ont pas encore pu être évalués. Durant les 50 prochaines années, 20% des formations centrales et internes de Mayotte pourraient disparaître et 5 de ces mangroves (Mgombani-Baobab, Dapani, Mzouazia, Mronabéja et Kangani) pourraient même être rayées complètement de la carte.

Au-delà de ces données, l’UICN souligne l’importance des suivis à long terme qui manque encore à Mayotte. Si les connaissances acquises sur les mangroves mahoraises depuis plusieurs décennies, tant sur leur flore, leur faune que sur leur fonctionnement écologique, ont permis d’apporter de solides bases scientifiques à la réalisation de travail, il reste encore des zones méconnues, notamment pour les écosystèmes les plus menacés. L’organisation appelle à renforcer, «parallèlement aux efforts de conservation, des programmes d’acquisition de connaissances sur la distribution spatiale ainsi que sur le fonctionnement des mangroves à Mayotte».

Perturbation du lagon

Compte tenu de l’ampleur des dégradations, il est évident qu’à l’avenir, si rien n’est fait, la déstabilisation et le recul des mangroves vont perturber l’ensemble des processus biologiques du lagon, avec des impacts sur «l’ensemble des communautés biologiques» et sur les récifs coralliens.

Le héron crabier blanc avec son pelage nuptial (Crédits photo : Gepomay)
Le héron crabier blanc avec son pelage nuptial (Crédits photo : Gepomay)

Les mangroves abritent en effet une activité microbiologique intense, des petits crustacés, 17 espèces de crabes, une cinquantaine d’espèces de poissons, des mollusques très variés ou encore 43 espèces d’oiseaux régulièrement observées. Et les mangroves sont aussi des milieux de substitution pour des espèces dont les habitats naturels ont été dégradés, comme nos forêts sèches, par exemple pour le Souimanga de Mayotte et l’Oiseau lunette de Mayotte, tous deux endémiques de notre île, ainsi que le Moucherolle de Mayotte (sous-espèce endémique de Mayotte), le Bulbul malgache ou le héron Crabier blanc, endémique de la région et évalué «En Danger Critique d’extinction» à Mayotte et «En Danger» au niveau mondial… sans parler des insectes, des amphibiens, des reptiles ou encore des éponges de mer.

Le constat est là. Il appelle maintenant une réponse urgente et volontaire pour qu’un de nos trésors naturels ne sombre pas à cause de notre mode de vie.

RR
www.lejournaldemayotte.com

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