Sarah Mouhoussoune, la référente du comité de soutien de En Marche ! Mayotte, souffle un grand coup : « C’est une grande satisfaction. Les comités ici se sont montés en 6 semaines, avec de vraies implantations sectorielles sur Mamoudzou, Dembéni, Koungou. Emmanuel Macron est arrivé en 3ème position à Mayotte, avec un deuxième tour compliqué, car, malgré les appels des leaders nationaux, certains ici n’ont pas joué le jeu en appelant à voter Marine Le Pen, comme le maire de Dembéni, qui est aussi le directeur de campagne de Mansour Kamardine pour les législatives. »
L’appel à la raison est venu des jeunes, explique Sarah Mouhoussoune, «les étudiants de métropole ont averti leurs parents sur les risques de voter Le Pen.» Un Mahorais en métropole peut en effet vite avoir le look d’un étranger à écarter pour le FN.
Ce qui a coincé, c’est l’appel d’Emmanuel Macron lors de son meeting à Mayotte, à signer un Pacte d’investissement avec l’union des Comores, comme préalable à la sortie de la crise migratoire. Il fallait comprendre « en parallèle avec un développement de Mayotte, mais le discours a été déformé sur certains médias audiovisuels. Une partie de la population a compris que certains attisaient la haine », souligne Sarah Mouhoussoune. En tout cas, elle réaffirme que Mayotte reste la priorité du nouveau président, « en particulier, la santé et la sécurité. »
Maintien du FN, chute des partis traditionnels
Le score de plus de 42% de la candidate FN à Mayotte l’interpelle, « il ne faut pas se voiler la face, mais c’est surtout le résultat de politiques qui ont voulu se positionner pour les législatives, avec un discours facile. » L’ancienne conseillère générale de Dembéni se réjouit de son score de prés de 65% dans cette commune, « seul Iloni a mis Le Pen en tête. »
Du côté du Front national, le ton enjoué à l’issue du premier tour a disparu, « je suis un peu déçu, tout étant fier du score du Front National, seul contre tous, et alors que les partis traditionnels sont tous en chute », explique Ali Soihibou secrétaire départemental de la fédération FN de Mayotte. Il n’attend rien du nouveau président élu, « c’est une majorité macédoine. C’est triste pour Mayotte », déplore-t-il.
« Une nouvelle page s’ouvre, celle de la confiance retrouvée », c’est la première réaction d’Emmanuel Macron, nouveau président de la République, à l’AFP. Ce qui correspond à ce qu’attendent ses soutiens locaux. En particulier Bacar Ali Boto, 1er adjoint au maire de Mamoudzou et candidat aux législatives, qui avait démissionné du comité de soutien d’En Marche !, « avec lequel j’étais en désaccord, mais je suis resté proche des idées promues par Emmanuel Macron », explique-t-il.
Réduire le fossé entre population et élite
Il félicite d’abord le candidat désormais président, « ainsi que les comités locaux de soutien. C’était une gageure de réussir en un an à mobiliser du monde en dehors des mouvements politiques traditionnels. » Il explique d’abord ce résultat affiché de 65,8% à 21h hier au soir, par la volonté de la population « qui attend de ses élus qu’ils fassent de la politique autrement, qu’ils dépassent les clivages pour un travail en commun, et qu’ils proposent plus de pragmatisme. »
L’élu de Mamoudzou craint les résultats du Front national qui tombent peu à peu à Mayotte, et qui plaçait à 21h Marine Le Pen à 42,85%. « Les Mahorais ont des inquiétudes, c’est un signal pour Emmanuel Macron. S’il y a un décalage énorme entre ce que veulent les élites et ce qu’attend la population, c’est une alerte, il faut prendre en compte cette réalité. »
On le voit, sur place, l’unité fragile de En Marche Mayotte pour les présidentielles, pourrait ne pas passer le cap des législatives, pour lesquelles le président élu annonçait dans son débat sur Médiapart, un possible changement de nom de ce qui est encore un mouvement, et non un parti. En tout cas, « il y aura un candidat Macroniste dans chaque circonscription », indiquait un de ses soutiens sur France 2, y compris en face des candidats socialistes.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte