Le nouveau nom du collège était déjà un indice : celui qui fut au cœur d’une guérilla de villages, les réunit désormais, et s’appelle collège de Passamainty-Vahibé Ouvoimoja, c’est à dire, « tous ensemble ».
C’est que le nouveau principal, Jean-Loup Munier, est investi d’une mission : « Je souhaite que les élèves travaillent et s’imprègnent des trois mots clé : Respect, Effort et Solidarité. Le mois de décembre tournait autour de la solidarité, nous évoquons maintenant le respect de l’autre et des cultures. Car il faut être fier de sa culture, de ses racines, de sa langue, pour pouvoir découvrir la culture de l’autre. »
Une ouverture d’esprit qui passe par la connaissance du patrimoine commun, et les pirogues y voguent en bonne place à Mayotte. Avec les profs de sport, Valérian Wuillaume et Laurent Larrede, il a donc décidé de recourir aux talents des fundis de l’île, pour concevoir et fabriquer 3 pirogues au sein du collège. Si les élèves n’ont pas participé, ils pouvaient tous les jours en constater l’avancement.
Courses de pirogues entre Petite et Grande Terre
« Nous sommes allés dans la forêt couper des manguiers après avoir demandé l’autorisation, nous avons trainé leurs lourds troncs, une vraie épreuve de force, pour les apporter dans la cour où ils ont été creusés », détaille Colo, au moins aussi passionné que le principal.
Il faut dire que Colo a une solide expérience dans ce domaine, puisqu’il est l’initiateur du Festival de pirogues « Pagaies du bout de l’île », dont la 4ème édition se tiendra le 28 octobre 2017 plage du Faré, en Petite Terre. « Je voulais remettre au gout du jour les courses de pirogues entre Petite et Grande Terre, qui se tenaient tous les 14 juillet autrefois. »
Sûr que lui et Jean-Loup Munier se sont trouvés ! « A travers une semaine intitulée ‘Valeurs communes’, je souhaite mettre à l’honneur les passeurs de mémoire. Pour que les fundis qui ont la connaissance de la construction de pirogues puissent la transmettre, et de la même manière, nous allons construire un banga dans l’enceinte de l’établissement. Parce que nos jeunes ont perdu tout cela », explique le principal.
« L’envie d’avoir envie »
Beaucoup d’anciens contribuent à ce projet, tel le fundi Omar, le fundi Daoussoula, d’Acoua, mais aussi Taandati Moussa, qui avait été décorée de l’ordre de Chevalier de la Légion d’honneur, et qui a animé une conférence devant les scolaires, « j’ai parlé de mon parcours. Je leur ai dit que je n’avais été qu’en primaire, mais que j’ai lancé une association pour donner aux hommes et aux femmes l’envie de créer, puis une crèche parentale pour que les femmes en situation précaire puisse chercher un travail, mais aussi l’association Enfance Famille et Développement, etc. » Bref, Taandati a essayé de leur communiquer son énergie, l’ « envie d’avoir envie », leur a expliqué ses moteurs.
Pendant que nous échangeons, les fundis fixent les balanciers des pirogues sur la plage Dinga, et s’élancent sur l’eau, pagaie en main. Sur la plage, des élèves attendent, gilet de sauvetage à poste, de pouvoir les remplacer : « J’ai un peu peur, surtout que je ne sais pas nager. Mais j’ai très envie d’essayer la pirogue », nous disent en cœur Raïna, Chadia et Sania. Il faudra écoper un peu d’eau avant, « c’est normal, le bois n’est pas encore complètement imperméable. Ça ira mieux une fois qu’elles seront peintes », rassure Colo.
Il vaut mieux, car elles sont destinées au prochain raid académique de l’UNSS, glissent les enseignants, qui espèrent se frotter un jour à d’autres collèges qui relèveraient le défi de se doter d’une petite flotte de pirogues estampillées aux couleurs de leur établissement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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